La pochette a quelque chose d’engageant. C’était comme si BLACK SABBATH revenait à ses fondamentaux et renouait avec l’esprit occulte qui animait leurs premiers opus. Pour un peu, on en aurait les larmes aux yeux. Quand on jette un coup d’œil rapide aux crédits, on remarque quelques changements de personnel, avec l’arrivée de Cozy Powell derrière les fûts et qu’un nouveau bassiste joue avec le SAB’ en la personne de Laurence Cottle. Et puis c’est à peu près tout.

"Headless Cross" est un album plutôt décevant dans son ensemble. Si quelques titres viennent faire illusion, il se dégage quelque chose de pataud et de mou de l’ensemble, nous sommes quand même très loin des standards du groupe en termes de compositions, même s’il peut se montrer étonnamment bon par moments. Nous sommes dans une espèce de continuité de "The Eternal Idol", pas franchement plus Heavy même si certaines séquences me feraient mentir (la chanson-titre reste un très bel exemple).

Le problème avec ce disque, c’est qu’il procure pas mal d’ennui. Les morceaux se suivent et la constatation est amère : Iommi semble avoir perdu de ses qualités de riffeur, la guitare n’a pas beaucoup de personnalité ici. C’est de l’enrobage couleur ténèbres pour cacher une certaine mollesse de composition que l’on pouvait déjà appréhender sur "Seventh Star". Mais si sur l’album avec Hughes cela semblait parfaitement assumé – et n’oublions pas qu’il a été réfléchi comme un projet solo – ici cela manque de fond.

Il y a des exceptions, bien entendu. Le title-track est monumental et imaginez juste Dio au chant. Martin n’est pas mauvais, mais dans le genre il n’est qu’une copie de l’un de ses illustres prédécesseurs, et il ne vaudra jamais l’original. "When Death Calls", dynamique, est une autre bonne surprise de ce disque, ainsi que la ballade "Nightwing" qui est plutôt sympa. Le reste est plutôt en-deçà, avec en tête de gondole "Devil & Daughter" avec son côté orientalisant foiré et "Call Of The Wild" bien trop sirupeux (les chœurs au moment où ça chante « Hero, only in the grave are there no dreams » sont horripilants).

Et j’évoquais Tony Martin plus haut, en disant que mine de rien, Dio aurait fait mieux et cela devient une évidence à mesure que l’album s’écoule, douloureusement. Mais le souci véritable est que Martin n’est même pas mauvais ! C’est un bon chanteur, mais qui a le malheur de lorgner du côté de Dio et, de ce fait, de ne pas apporter de personnalité à un ensemble qui manque de cohérence. La batterie de Powell est envahissante et – ce n’est pas bien de dire du mal des morts – pas toujours très inspirée, la guitare de Iommi n’est pas assez incisive, le solo de Brian May sur "When Death Calls" est bon, mais il ne porte pas tout à fait sa signature. Bref, "Headless Cross" est une espèce d’album de non-dits et de volontés avortées.

Avec ce retour aux sources raté, BLACK SABBATH parviendra vaguement à faire illusion. Quelques titres qui sortent du lot suffisent à couvrir le reste d’un rideau pudique. Mais "Headless Cross" manque cruellement d’envergure, il ne dégage pas grand-chose, il s’oublie presque aussi vite qu’il a été écouté. Iommi se retrouve devant une bifurcation et les deux options ne sont pas franchement réjouissantes : soit il poursuit dans la même direction et c’est le mur, soit il change de style, essaye d’autres choses et les perspectives de succès ne sont guère meilleures…