Ce premier album officiel de MOTÖRHEAD ne mérite pas d’être comparé à ses glorieux successeurs, à l’exception de "On Parole" qui lui est en réalité antérieur d’un an. En effet, United Artists avait refusé de publier l’album, n’y voyant pas de potentiel commercial. Après avoir fait des sessions aux studio Manticora d’EMERSON, LAKE & PALMER dont les bandes ressortent comme de par hasard pour célébrer les cinquante ans de la formation (en revenant encore une fois sur les premiers instants du groupe), Lemmy, Clarke et Taylor, démotivés, avaient pensé jeter l’éponge. Lemmy réserve alors le Marquee à Londres pour donner un concert d’adieu et demande à son pote Ted Carroll, boss de Chiswick Records, s’il voulait l’enregistrer. Ce dernier ne pouvait pas dépasser son matériel, mais il offre deux jours en studio pour que le groupe puisse enregistrer.

Des sessions qui seront bien utilisées par MOTÖRHEAD vu que ces derniers mettront en boîte leur premier album officiel, qui sortira sur Chiswick Records, spécialisé dans le Pub Rock et dans le Punk émergeant, scène que la bande à Lemmy avait contribué à initier. Déjà nous retrouvons tous les ingrédients qui feront MOTÖRHEAD, rien que sur la pochette : la première version finalisée du Snaggletooth créée par Joe Petagno, le même qui avait réalisé l’ange de LED ZEPPELIN (deux salles, deux ambiances). Pour ceux qui possèdent un premier pressage de ce disque, ils pourront remarquer une croix gammée dans une des pointes du casque, qui sera retirée lors des rééditions de l’album. Puis il y a le lettrage, déjà imaginé à l’époque de Lucas Fox et Larry Wallis, avec les umlaut sur le second « o ». La jaquette attire l’attention, c’est du lourd pour l’époque, une belle promesse de violence.

Et musicalement, le groupe a déjà évolué entre les sessions de "On Parole" et celles-ci. Déjà, il y a eu l’arrivée de Clarke, qui devait à la base seconder Wallis en tant que deuxième guitare, mais le PINK FAIRIES a vite compris que Clarke allait devenir son remplaçant ; MOTÖRHEAD est donc resté un power trio et nul doute qu’avec une prod moins faiblarde, il y avait moyen d’exploser immédiatement. La musique de MOTÖRHEAD, c’est du Rock’N’Roll sévèrement burné, sans artifices, sans laisser de place à une ballade. Une vision anti establishement du Rock, proche du Punk dans l’idée, un peu dans la forme, mais sans la mentalité nihiliste. Il y a encore des traces de Psychédélisme sur ce disque, qui reprend une bonne partie de "On Parole" (cinq morceaux sur huit quand même). Et justement, au contraire de "On Parole", il y a moins de fioritures ici, tout est plus direct, plus in your face.

La formation a décidé d’abandonner les bruits de moteur en introduction du title track pour laisser place à la basse de Lemmy pensée comme un instrument lead. C’est ici plus agressif, la voix de, Kilmister est plus hargneuse, la guitare de Clarke est tranchante à souhait. On trouve ici une urgence, une énergie live qui devient un véritable moteur pour le groupe qui se revisite totalement, qui se repense, qui devient plus direct. Le son est distordu au possible, c’est lourd, racé. Les ingrédients sont en place, le son MOTÖRHEAD est né et la plupart des chansons ont été tellement jouées qu’elles s’alignent magnifiquement. "Iron Horse/Born To Lose" gagne en épaisseur, "Lost Johnny" est bien plus rentre-dedans, moins Psyché, "The Watcher" suit le même chemin. Lemmy s’émancipe du son HAWKWIND qui pouvait encore l’influencer un an plus tôt.

L’influence des PINK FAIRIES, elle, disparait. "Vibrator" a bien été récupéré, mais là encore le rouleau compresseur est en marche et le titre n’en devient que plus vicieux, avec un Lemmy revanchard qui s’accapare le micro. La « légèreté » que pouvait apporter Wallis s’efface donc et Clarke vient apposer son style sur "White Line Fever" (au double-sens évident) et s’acoquiner sur un Blues très électique avec "Keep Us On The Road", jolie pièce qui remplace sans souci un titre comme "On Parole" ou "City Kids". Les ingrédients sont tous là vous dis-je. Il ne manque que la petite étincelle qui ferait péter le tout. Elle n’est pas loin, elle se ressent tout du long. Ce premier album, c’est un putain de pavé dans la mare en 1977. Pas Punk mais presque, Hard Rock mais pas Heavy Metal, mais terriblement roots et sincère, de la musique pour se défoncer la tête.

L’histoire est en marche. MOTÖRHEAD allait devenir contre toute attente l’un des plus grands groupe de Rock’N’Roll, une institution britannique au même titre que les BEATLES, PINK FLOYD ou QUEEN. Ce premier disque tape fort et annonce déjà la future triplette magique qui allait définitivement assoir la réputation de la formation. Cet album est fédérateur. Un peu à contre-temps, il avait influencé de jeunes musiciens qui voyaient le groupe jouer dans les clubs (sans produit officiel, Lemmy et sa bande ne cessaient malgré tout de tourner) et surtout, il allait donner les bases à ce que sera MOTÖRHEAD dans sa formule la plus pure. Un album à réhabiliter quelque peu.