Entre ambition et prétention, il n’y a souvent qu’un infime écart induisant de colossales conséquences. La première vous permet de tutoyer les étoiles quand la seconde voit la fusée exploser au décollage. Là ou d’aucun perçoivent une forme d’arrogance mal placée chez SATYRICON, j’y vois pour ma part une envie viscérale d’explorer, de se renouveler, d’arpenter des chemins inconnus, quitte à se planter. En témoigne une discographie des plus intéressante, passant d’un Black assez raw et médiéval à des pentes plus Black n’ Rollesques, qui me parlent davantage à titre personnel.

Après un album éponyme hautement décrié, qualifié de "Lounge Black Metal" par mon confrère Zodd, qui en disait pis que pendre à mon grand désarroi, les Norvégiens persistent et signent, réarrangent leur œuvre afin de la rendre compatible avec les chœurs de l’Opéra d’Oslo, mobilisé pour l’occasion. Seules passent à la moulinette les compositions les plus récentes, compatibles avec l’exercice. N’attendez donc pas une setlist représentative de l’intégralité de l’œuvre de SATYRICON, ce n’est pas ici le propos.

Le résultat est à mon sens grandiose, à des années lumière des essais de Serj TANKIAN ou de METALLICA, pour prendre des éléments de comparaison. Les chœurs magnifient les atmosphères pesantes et angoissantes imaginées par le duo qui leur laisse une place conséquente ("The Pentagram Burns") au lieu de l'anecdotique strapontin qui lui est habituellement dévolu. Loin d’une simple revisite des morceaux connus, ceux-ci y trouvent une épaisseur nouvelle. Le chant d’opéra s’intègre parfaitement à l’ensemble et ne nuit aucunement à la froideur et la noirceur d’une nuit polaire.

Bien évidemment, Satyr nous gratifie de son chant haineux, au top comme toujours, tandis que Frost continue d’éblouir dans ce contexte si particulier. L’occasion de constater que le bougre est aussi à l’aise en live qu’entre quatre murs. "Phoenix" est impressionnante, bien plus que dans sa version studio, bénéficiant de la présence sur scène de Sivert Høyem pour renforcer ce sentiment d’assister à un évènement unique, le public étant également bien représenté dans le mix ("K.I.N.G."). Je ne peux donc que plier l’échine devant cette ambition devenue réalité, sous mes oreilles abasourdies par tant de talent et de maitrise.