Si le constat relève d’une terrible affliction, force est de constater que les drames personnels que traversent les artistes déclenchent souvent des œuvres riches en émotions. "Holy Hell" d’ARCHITECTS ou "Reverence" de PARKWAY DRIVE en sont des illustrations marquantes, puisant dans le chagrin de la mort d’un frère d’armes pour insuffler une âme supplémentaire à leur musique. Mais les exemples sont légion, bien au-delà du spectre musical, que l’on parle de littérature ou de septième art. C’est ainsi le cas de "Magma", ou devrais-je dire de "Mama", le "g" ayant été ajouté en cours de route. Ce sixième opus des Frenchies est en effet dédié à la mère des frangins Duplantier, et son décès habite littéralement les dix titres, tant dans les textes de Joe que dans les compositions.

Si la signature musicale des fers de lance de la scène Metal française est toujours présente, elle évolue ici franchement, passant d’un Death plutôt technique à une itération franchement atmosphérique. Les marqueurs de GOJIRA restent bien entendu d’actualité : le chant diphonique de Joe, les gimmicks guitaristiques empruntés à MORBID ANGEL tout comme les plans en tapping aériens, ou plus encore le trip rythmique impulsé par le génie de Mario derrière les fûts. En revanche, tout est ici simplifié au maximum, réduit à sa plus simple expression, pour mieux laisser émerger une spiritualité qui sera plus marquée encore sur "Fortitude", cinq ans plus tard.

Mais au contraire de son successeur, qui bouffe un peu à tous les râteliers et finit par rater sa cible, les Landais trouvent sur "Magma" un bel équilibre, entre tubes ("Stranded", "Silvera") quasiment radiophoniques, et morceaux sombres et introspectifs ("Pray", "The Shooting Star", "Low Lands" ou encore le title-track). La voix est également moins abrasive, la sourde colère ayant laissé place à la tristesse et aux sentiments. Les titres sont plus courts, plus directs, moins lourds. Moins complexes également. Est-ce pour autant un mal ?

Car, oui, GOJIRA fait peau neuve sur "Magma", dans son intention comme dans sa réalisation. Mais le groupe n’était-il pas de toute façon arrivé au bout d’un chemin avec "L’Enfant Sauvage", à court d’idées et de renouvellement, malgré quelques moments de grâce ? Si l’on accepte l’idée d’un changement assez radical, ce disque est une véritable réussite, qui pourrait également servir de porte d’entrée aux plus réticents d’entre nous à cet univers si singulier, et donnera envie d’explorer la discographie antérieure du plus grand groupe Metal made in France de tous les temps.

Il serait dommage de bouder son plaisir et de se priver d’un moment intense, rare et authentique en leur compagnie. L’accessibilité s’accompagne ici de profondeur et ne relève en rien d’une volonté d’aseptiser son propos afin de séduire un public plus large.

"Magma" est un bien bel album, qui se bonifie au fur et à mesure des écoutes, et ouvre de plus bien des perspectives pour l’avenir.

Note réelle : 3,5/5.