J'ai parfois l'impression de me répéter dans mes chroniques. Vous me direz que c'est un peu normal, après plusieurs centaines, d'avoir de la difficulté à réinventer la roue, mais nous, chroniqueurs bénévoles, essayons sans cesse de repousser nos limites et de renouveler notre besace analytique bourrée de superlatifs. Pourquoi cet aveu qui fera plaisir à mes détracteurs ? Car de nouveaux groupes étoilés comme le trio suédois de AN ABSTRACT ILLUSION me donnent toujours du fil à retordre; ils sont si brillants dès le premier album que je me retrouve à les vanter. Je dois toutefois demeurer sur mes gardes pour ne pas tomber dans le piège des conclusions hâtives, ce qui, sans avoir des années de recul, est impossible.

Ce dont je n'ai aucun doute par contre est le potentiel de vieillissement de "Illuminate The Path" tant la qualité qui suinte de chaque pore est surprenante. Le titre d'abord, qui après une quinzaine d'écoutes se transforme en concept, est merveilleusement dépeint, calqué avec une précision maladive par les Suédois. Tout est lumière sur ce tremplin, d'une sérénité sans précédent pour une jeune formation, tout est raisonné avec une maturité déconcertante.

"Illuminate The Path" débute avec un trio aussi contemplatif que percutant, dont le sommet "Abode Of A God" est d'une inspiration et d'une intensité sans bornes. Quel petit joyau ! Après un très solide "Drop This Planet Of Dust", AN ABSTRACT ILLUSION nous envoie deux longues et complexes compositions dans les dents, la pièce-titre très progressive et la céleste "Vakuum", qui viennent diviser deux parties distinctes sur l'album. Suit l'interlude forestière "Talvatis", qui pave la voie à la longuette et curieuse "Skeletons Of Light", espèce de melting pot à rallonge.

On est d’ores et déjà devant une réalisation singulière et substantielle, même après sept titres. C’est alors que déboule le genre de bonus qui devrait se trouver sur n’importe quel album : une des plus célèbres créations de WINDIR, "Svartesmeden Och Lundamyrstrollet". Avec le style lumineux de AN ABSTRACT ILLUSION, cette perle déjà légendaire prend tout son sens et conclut avec panache une œuvre prodigieuse.

Oui, un petit prodige, car ce qui charme sous ces airs enchanteurs doublés de riffs et mélodies fédérateurs et d'un chant dichotomique évoquant le jour et la nuit, est la poésie bien cachée sous les compos. "Illuminate The Path" ne s'avère pas nécessairement complexe dans le genre, mais suffisamment fouillé pour que l'orientation du groupe soit capitalisée avec vigueur. Pour plusieurs, ce sera la clé du succès.

Voilà pourquoi ce disque mérite ce statut de premier album magique et une Sélection sur NIME. Je n'irais pas jusqu'à dire que les Suédois réinventent le Death Mélo/Prog, disons seulement que AN ABSTRACT ILLUSION n'a pas l'intention d'être un second violon. Son talent de faiseur de lumière lui pave la voie à une longue carrière, car quand on peut pondre un morceau comme "Abode Of A God" après un simple E.P, une foule de possibilités s'ouvrent devant nous.

"Illuminate The Path" vient brouiller les cartes d'un style dont les Scandinaves se sont approprié les lettres de noblesse depuis plusieurs années. Ce Death Mélo/Prog aussi ensoleillé que mélancolique, mes amis, se vautre dans les meilleurs plumards de ses contemporains. Une très grande réussite.

Podium : (or) "Abode Of A God", (argent) "Drop This Planet Of Dust", (bronze) "Svartesmeden Och Lundamyrstrollet".