"Permanent Vacation" marquait un virage net dans la carrière d’AEROSMITH. Dans la forme, dans le fond, le groupe avait changé, s’adoucissant tout en restant foncièrement Rock. "Pump" va encore aller plus loin dans la démarche, en lissant encore plus sa musique et en affinant davantage ses compositions. Le groupe va faire appel encore une fois à des compositeurs extérieurs et ce n’est pas une surprise de retrouver Jim Vallance et Desmond Child dans les crédits. Le disque sera produit une nouvelle fois par Bruce Fairbairn, qui livre là une de ses meilleures réalisations.

Derrière cette pochette à l’érotisme troublant se cache donc un album soigneusement préparé, aux compositions léchées. Les puristes diront qu’elles le sont certainement de trop, que les Dupont Volants perdent pas mal de leur impact (il ne faut pas se fier à "Young Lust", superbe ouverture typique du groupe, qui n’est pas forcément représentatif du reste). Le groupe ne tape pas dans la ballade à outrance (pas encore), mais il se veut plus léger, moins foncièrement agressif, ce qui ne l’empêche en aucun cas d’être dynamique.

Ses qualités sont nombreuses. Bien que moins rentre-dedans, le travail d’écriture est somptueux. Tyler est toujours très en voix, il creuse un fossé avec la concurrence aussi bien en termes de songwriting que de voix. "Pump", bien que terriblement calibré pour séduire les ondes diverses, est gorgé de feeling et ce n’est pas que dû au chanteur ou à la lead de Joe Perry. Chaque musicien sait parfaitement ce qu’il doit faire, mais cela ne les empêche pas de donner plus, à l’image d’un Joey Kramer qui délivre des parties de batterie superbes.

Après, difficile de dire que le groupe vire complètement AOR, les compositions sont souvent très travaillées et évoluent de façon intéressante, ne laissant rien pour acquis. "Janie’s Got A Gun" est un excellent exemple : ce n’est pas une ballade, pas vraiment même si cela en emprunte certains codes, cela monte crescendo en puissance jusqu’à ce solo déchirant, Tyler se donne à fond pour accentuer la dramatique du sujet (on parle de père abusif, le truc qui commence à vous créer une boule dans la gorge quand vous devenez vous-même parent…) et la basse d’Hamilton a une présence dingue ici. C’est lui qui mène le jeu et il le fait de très belle façon.

Mais d’autres morceaux débordent de générosité, à l’instar de "Monkey On My Back", Rock en diable, "The Other Side" et ses cuivres éclatants, "My Girl" qui propose des guitares plus acérées et bien mises en avant avec cet esprit très ’70 qui lui va bien, ou même ce "Voodoo Medecine Man" fiévreuse, à l’ambiance explosive. On peut penser que ce disque est de la variétoche US, mais ce serait très réducteur : AEROSMITH propose là un album de Hard Rock léché, qui ne va pas chercher à mettre en valeur les guitares, mais plutôt les mélodies et les chansons en elles-mêmes.

Après, j’avoue ne pas forcément être fan de ces petites intro incluses dans certains titres et qui ne servent à rien sinon à rallonger quelque peu la sauce ("Going Down" par exemple ne sert pas à grand-chose, "Love In An Elevator" aurait pu commencer directement, la composition se suffisait à elle-même). La ballade "What It Takes" ne m’emballe pas des masses non plus, mais je ne suis clairement pas client de ce style, un peu trop sirupeux à mon goût (et ils feront encore pire plus tard). Mais cela revient à chipoter un peu, pour la forme, parce qu’à ce disque, je colle la note maximum.

En effet, il est fluide, varié, le groupe maîtrise parfaitement ses morceaux, le son est terrible, très clean, mais il accentue l’efficacité générale de l’ensemble. Et en plus, il est d’une durée moindre que son prédécesseur, ce qui évite les longueurs. C’est mainstream, mais ça reste riche, bien écrit et bien joué. Il y a une ambition totalement assumée ici. AEROSMITH a déjà été l’auteur d’un comeback très remarqué deux ans plus tôt, il va réaliser l’exploit de faire encore mieux ici, avec une facilité écoeurante. Pour un groupe qui était encore au bord du gouffre en 1985, c’en est miraculeux.

Incontournable : "Young Lust", "F.I.N.E"., "Love In An Elevator", "Janie’s Got A Gun"
À savourer : "The Other Side", "Voodoo Medecine Man"