Le Black Metal occulte a difficilement de l'effet sur moi tant les contre-valeurs qu'il prône depuis ses origines sont devenues celles de notre temps. Dès lors, la dangerosité de ces groupes s'est estompée, et je baille fort face à ce que certains considérent être l'ultime rébellion.

Mais Père Fransoua a le nez fin, et RUÏM fait partie de la race des seigneurs.

Avec un nom d'album comme "Black Royal Spiritism" il y avait déjà de quoi me convaincre, même si le spiritisme est une affaire de cassos à la Victor Hugo, qui se réunissait avec d'autres zouaves pour faire bouger les tables, ce qui fit la joie de Léon Bloy, à l'esprit taquin. Qu'à cela ne tienne, RUÏM ne plaisante pas. Avec Blasphemer, les tables bougent, cela ne fait aucun doute. Dès "Blood. Sacrifice. Enthronement.", on sent qu'on va passer sous la moulinette du riffing le plus fin. On est loin des guignols qui tremolopickent sur leurs guitares crasseuses. Blasphemer est un prince du Black Metal, il nous embarque sur des riffs éclatants, cisaillants, souvent Death dans l'approche, mais avec ce qu'il faut d'arpèges aliénants pour nous réenfoncer la gueule la première dans l'Event Horizon, avec ses visions infernales qui poussent à se crever les yeux. Le titre éponyme me vient d'emblée à l'esprit quand je pense à un exemple, de même que le superbe "The Triumph (Of Night & Fire)" et son sublime riff d'entrée. Précisons que si "Black Royal Spiritism -I. O Sino Da Igreja" se révèle un album intense, il n'est jamais épuisant, car Blasphemer sait jouer des accalmies (relatives), ici avec une partie de double aérienne ("Evig Dissonans"), là avec un interlude fort jolie ("Ao Rio").

Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on tient là un classique, un 5/5 intemporel, même si je comprends la fascination de mon frère Père Fransoua. Oui, RUÏM signe là un album qui obsède. On y revient comme hypnotisé par un mage noir, on cherche à s'envelopper à nouveau des volutes de fumée qui s'échappent de cette oeuvre étrange, on se perd à nouveau dans les méandres que sont des morceaux bâtis avec une fougue certaine, mais qui peuvent tomber dans la facilité du break ("Fall Of Seraphs"). Ajoutons à ces facilités structurelles un dernier titre plutôt dispensable et on tient un album remarquable dont on attend un successeur plus fort encore.