Ne plus rien attendre d’un artiste décuple-t-il le plaisir d’entendre une nouvelle sortie réussie ? Vous avez deux heures. En gros, le temps qu'il faut pour écouter deux fois “Clear Cold Beyond” et développer sur le papier votre argumentation. En ce qui me concerne, je réponds : oui ! Et pourtant SONATA ARCTICA partait de loin, car je pensais vraiment que Tony Kakko avait relégué le Power Metal au rayon souvenirs. Or le quintette nous est revenu cette année avec un disque qui aurait pu jeter un pont logique entre “Reckoning Night” et “The Days Of Grays”. Plus logique qu’un “Unia” certes meilleur en tout point mais qui apparaît encore, dix-sept ans après, comme le paroxysme de l’expérimentation dans leur discographie.

Donc “Clear Cold Beyond” n'est pas meilleur que “Unia” mais il est ce que SONATA ARCTICA a sorti de mieux depuis, exception faite d’un “Stones Grow Her Name” qui n'était pas si Power Metal que ça. Si le dernier longue-durée des Finlandais fait si plaisir à entendre, c’est qu’en dépit de la “mediumisation” de la voix de Tony Kakko, l'homme et ses acolytes ont retrouvé leur sens de la mélodie qui fait mouche, indispensable à tout disque de Spimélo qui se respecte. Le splendide “First In Line”, au refrain canon, et le rassurant “California” auraient pu trouver leur place dans le répertoire de la première partie de carrière du groupe. Idem pour “Cure For Everything”, taillé dans le même bois que certains tubes de “Winterheart’s Guild”, ou le musclé “Shah Mat”.

SONATA ARCTICA n’a pas non plus oublié comment trousser de belles chansons sans forcer le tempo. Signe d’une sagesse de vieux briscard couplée à l'expérience de l’incapacité à tenir le rythme des speederies d’antan. En témoignent le très choral “A Monster Only You Can See” et l’orchestral “Dark Empath”, mais aussi la splendide et pourtant simplissime ballade “The Best Things”, qui entre direct parmi mes favorites du groupe. Même “Teardrops”, avec sa mélodie de clavecin (synthétique, bien sûr), et le délicat morceau-titre, sont très agréables à l’oreille, bien que cette ultime composition aurait pu être plus mémorable.

Tous ces morceaux n'égalent toutefois pas le point d’orgue que constitue, à mon goût, le féroce “Angel Defiled”, avec un Tony Kakko grand-guignolesque mais dont l’interprétation très théâtrale ajoute au piment de la compo. J’y retrouve le côté facétieux que j’aime tant sur certains titres de “Stones Grow Her Name” et de “Pariah’s Child”. Mais finalement, la plus grande qualité de “Clear Cold Beyond” n’est pas sa capacité à rappeler les jours heureux d’il y a dix ou vingt ans, mais sa constance à toute épreuve. J’ai beau en être à la quinzième écoute depuis sa sortie, je ne me lasse d’aucun morceau, qui s'enchaînent tous sans coup férir et sans réel temps mort. La marque d’un groupe toujours inspiré, en dépit de ce que pouvaient penser les plus incrédules des fans de SONATA ARCTICA. Dont je fais partie.