Ceux qui lisent fréquemment mes chroniques savent qu’en bon fan de fantasy, d’histoires super-héroïques et de Pop culture en général, je fais preuve depuis mes premiers pas dans le Metal d’un tropisme Power Metal. Et pourtant, sans aller jusqu'aux extrémités de dégoût que ressent désormais Dark Beagle pour le genre (relisez donc sa kro-x du premier album de FELLOWSHIP), je reconnais moi-même être souvent déçu par la fainéantise des artistes qui le pratiquent. Et par leur incapacité à sortir des clichés du Power tout en usant ses codes jusqu’à la corde.

Rien de surprenant, donc, à ce que les plus grosses claques de ma vie en matière de Power Metal proviennent soit des parrains du genre, biberonnés au Thrash (HELLOWEEN, BLIND GUARDIAN), soit des formations ayant poussé les curseurs du grotesque au maximum (DRAGONFORCE, GLORYHAMMER, SKELETOON), soit des groupes ayant puisé leur inspiration jusque dans la Pop (SONATA ARCTICA notamment). FELLOWSHIP relevant presque autant de la deuxième catégorie que de la troisième, rien d’étonnant à ce que je sois tombé amoureux du combo dès la première écoute.

Toutefois, l’E.P. “The Winterlight Chronicles”, sorti au cœur des vacances de Noël dernier, rappelle que c'est surtout l’absence de honte du groupe anglais pour ses influences Pop qui m'a ravi en premier lieu. Et surtout, le chant de Matthew Corry, clairement plus proche de ce que l’on entendrait en variété anglophone que de ce qui se fait en Power Metal. Marre des clones de Michael Kiske, des pseudo Hansi Kürsch ou des Timo Kotipelto à la petite semaine. Donnez-moi une voix capable de tout et surtout de ne pas tomber dans les tics du Power !

Sur "The Winterlight Chronicles", justement, le jeune vocaliste démontre en tous points pourquoi je l’aime et ce disque confirme pourquoi j'aime FELLOWSHIP. Car si leur cover de "Can You Feel The Love Tonight?" (oui, oui, le tube de la B.O. du "Roi Lion" !) en 2020 laissait déjà entendre que le groupe était comme un poisson dans l’eau dans la Pop des autres, il lui restait à montrer que ses influences pouvaient être parfaitement digérées sur des compos originales. Or, si "Glint" et "Oak And Ash" sont déjà présentes sur l’album "The Saberlight Chronicles", il s’agit bel et bien de compos "maison" et leur reprise en mode piano-voix laisse éclater au grand jour le talent de composition et d’interprétation de FELLOWSHIP hors du carcan Power Metal.

La délicatesse et la pureté des lignes de piano souligne à quel point, même dépouillé de tous ses oripeaux Metal, "Glint" est un morceau merveilleux. Car les couplets conservent ainsi toute la tension dont ils font preuve en version Power Metal, qui finit libérée lorsque déboule le superbe et très empowering refrain. Et ce, même si Matthew Corry chante avec une retenue lui permettant de poser sa voix et d’en dévoiler toute l’amplitude. Entre le "Glint" Power Metal de "The Saberlight Chronicles" et celui, acoustique, de "The Winterlight Chronicles", le vocaliste affiche sa pleine maîtrise des notes graves comme des plus aiguës. Quel bonheur de l'entendre !

Fidèle à son ancrage Pop, FELLOWSHIP offre également à "Oak And Ash" un relooking piano-voix, mais en mode duo voix féminine/voix masculine, cette fois. Le morceau d’origine, plus foncièrement Power Metal que "Glint", se prête légèrement moins à une reprise à coups de touches blanches et noires – solo excepté – mais il offre un mignon petit écrin aux voix de Matthew Corry et Holly Brice. Une parfaite inconnue qui, pourtant, tient la dragée haute au garçon et amène le morceau à un niveau d'intensité insoupçonné lorsque leurs lignes vocales se croisent sur le final du morceau au lieu de s’harmoniser complètement.

Lorsque vient le moment de reprendre la voie du Power et d’une nouvelle compo, FELLOWSHIP se retrouve soudainement plus emprunté. Comme s’il ne retrouvait pas pleinement l’identité forte qui le plaçait, sur son premier album, au parfait équilibre entre SONATA ARCTICA, DRAGONFORCE et FREEDOM CALL. Au contraire, en bons Anglais, c'est du côté du duo Sam Totman/Herman Li que le combo penche sur "The Frozen Land", et pas qu’un peu. Tempo supersonique, guitares frénétiques, soli totalement débridés, riff hyper classique pour du Power Metal…

FELLOWSHIP ne trouve son salut que dans l’interprétation vocale une fois de plus magistrale de Corry et dans un refrain d’une efficacité redoutable, sous ses dehors clichesques. Accompagné aux claviers par notre Philippe Giordana national (de FAIRYLAND), dont les parties ont été enregistrées quelques mois avant sa mort tragique, le quintette britannique tire un impact maximal d’un titre qui ne serait qu’une banale speederie de plus avec un chanteur de Power standard au micro. Et pourtant, le mixage ne rend pas grâce à Corry sur les couplets, dans lesquels il se trouve quelque peu engoncé. Heureusement, le gaillard parvient à se (et à nous) libérer pleinement sur le refrain, décidément hymnique.

Reste à espérer pour ceux qui, comme moi, ont adoré "The Saberlight Chronicles", que "The Frozen Land" soit au deuxième longue-durée à venir ce que "The Hours Of Wintertime" était au premier. Un résidu d’E.P. en-deçà du niveau moyen de l’album entier.