À l’image de sa somptueuse pochette, ce nouveau projet incroyable réunissant tout le gratin finlandais est tentaculaire. L’esthétique léché de l’album ne ment pas et donne une certaine clef de réponse au contenu polymorphe et ingénieux de ce qui inaugure un avenir radieux. Et ce n’est pas ses volutes psychédéliques prometteuses qui mettent en joue nos attentes mais bien son Death Atmosphérique hyper original. Les amoureux transis des mélodies électro 70's, du Mellotron, de l’orgue Hammond ou du Moog auront de quoi se sustenter de temps à autre. Vous êtes prévenus.

Et si le gratin n’est point une recette finlandaise, proposer un tel défilé de chanteurs éminents est déjà un signe évocateur qu’une certaine dose de capacité émotionnelle pourrait surgir, naître et se propager. S’il est vrai que l’on peut faire un parallèle avec les premiers AMORPHIS ou bien encore BARREN EARTH, OCTOPLOID joue une carte bien plus audacieuse. Rappelons que deux membres de ce nouveau quatuor, Olli-Pekka Laine (le compositeur) et Kim Rantala (le claviériste) font partie pour le premier du combo légendaire, ou ont fait partie de ce groupe pour le second, ou bien encore sont invités à pousser la chansonnette à l’instar de Tomi Koivusaari sur le superbe titre "Coast Of The Drowned Sailors", et de Tomi Joutsen sur "Human Amoral". Chacun d’entre-eux – et la liste des invités n’est pas exhaustive – vient distribuer des growls agités et profonds aux thèmes très inspirés et variés de ce "Beyond The Aeons". Pour compléter ce propos de défilé de vedettes notons sans tout écrire que le grand Mikko Kotomäki (SWALLOW THE SUN) et Jón Aldará (HAMFERÐ) sont aussi de la partie. Pour faire court notez que OCTOPLOID est quasi 100% finlandais (hormis Aldará) et que le quatuor embrasse et intègre des personnalités venues de styles de Metal différents (le Stoner de MANNAI ou de XYSMA, le Doom/Death de AMORPHIS, le Thrash de DEATH MEX etc...).

Avec une telle collusion de compétences artistiques, nous pourrions être tentés de nous sentir à l’école des fans et nous précipiter à mettre un 10 comme dans la célèbre émission. Pourtant, même si l’album est globalement d’un niveau très élevé, tous les titres n’excellent pas mais restent stationnés à une belle hauteur au-dessus de la mêlée des sorties actuelles. Notons que la triplette d’ouverture est sacrément majestueuse. La présence de Kotomäki sur l’opener "The Dawns In Nothingness" envoie au tapis la concurrence. Les embardées de l’Hammond couplé aux guitares, aux synthés/violons et autres effets sonores nous embarquent dans une aventure psychédélique superbe et enivrante. "Coast Of The Drowned Sailor" nous ramène du Melodeath très 90s mais aussi des strates atmosphériques toujours aussi Psychés et quasi dansantes, ce qui sera aussi le cas avec le plus Prog "Human Amoral". L’interlude musical très Krautrock "Beyond The Aeons" est amusante et nous ramènent inévitablement aux belles années de nos aînés. Mention spéciale pour ma part au titre profond et mélancolique "The Hallowed Flame", portés par Mikko Kotomäki et les riffs sombres Doom/ Death de Peter Salonen et ses leads juste superbes de beauté. Je reste cependant plus sur ma faim concernant les deux derniers titres même si la prestation d’Aldará sur "A Dusk Of Vex" reste acceptable, malgré la superbe fin mélodieuse du titre.

Pêle-mêle ingénieux entre Psyché Rock et Doom/ Death ténébreux, OCTOPLOID réussit à hisser "Beyond The Aeons" sur des terres nouvelles et fertiles. La collusion des compétences et des styles, des influences et des inspirations fait de cet album une espèce en voie de disparition, mais surtout d’une belle rareté. Ce n’est ni un ovni musical ni un album expérimental ou avant-gardiste, mais bel et bien un disque saisissant et qui ouvre une nouvelle voie, et cela n’arrive pas des masses aujourd’hui. Olli-Pekka Laine a réussi à entraîner dans sa lancée une armada de compétences et on ne peut que le saluer. Allez j’en termine en me remettant encore et encore cet entêtant titre "Shattered Wings". OCTOPLOID est donc à consommer cet été sans modération, et nul doute qu’il fera partie lorsque l’heure des tops de fin d’année sera de coutume, un de ceux qui auront marqué durablement l’année 2024.