Le voilà le véritable successeur de "Dirt", "Jar Of Flies" faisant plus office de parenthèse enchantée (enfin, cela dépend ce que l’on entend par enchantée). "Alice In Chains", avec cette pochette pathétique, ne passe pas inaperçu. Ce chien à trois pattes est devenu célèbre, il a marqué les esprits. Dans un genre plus métaphysique, un soir de beuverie après la disparition de Staley, je m’étais dit que chaque patte représentait un musicien et que la manquante était le chanteur, qui n’était déjà plus vraiment là à cette époque.

Ce disque, c’est un instantané de la déchéance physique de Staley, qui ne chantera pas tout du long, trop épuisé et cramé par les drogues. Jerry Cantrell prendra le relais par moments, le secondera également. Le résultat est prenant, le rendu est tantôt Heavy, tantôt plus lancinant, mais l’album se veut toutefois moins glauque que "Dirt" pouvait l’être, paradoxalement. Alors que le groupe vivait, impuissant, la descente aux enfers de son chanteur, il en résulte une musique désespérée, mais pas aussi sombre qu’elle pouvait l’être sur l’opus précédent.

ALICE IN CHAINS livre encore une fois un disque magnifique, d’une très grande qualité et bien ficelé. Il peut d’ailleurs rapidement devenir addictif (un comble !) car il se veut justement plus « humain » que "Dirt", il pilonne moins l’âme. Il n’est pas joyeux, mais on se sent bien moins sale après son écoute, par rapport à son prédécesseur qui portait admirablement bien son nom. Cependant, "Alice In Chains" possède un parfum d’inéluctable, qui sera grandement renforcé par le splendide "Unplugged". Sérieusement, qui pouvait certifier en entendant ce disque, en voyant Staley amaigri, que ce dernier était destiné à vivre ? Nous le savions tous.
Et nous ne pouvions rien faire.