"Projector", le disque, le mythe, la légende. Il faut se remettre dans le contexte de 1999, lors de sa sortie, pour pleinement apprécier la folle prise de risque des Suédois de DARK TRANQUILLITY. Bien avant qu’OPETH fasse de même et adoucisse son propos, a minima au niveau du chant, les géniteurs du Death Mélodique déposent quelque peu les armes après un "The Mind’s I" tout en sauvagerie et polissent leur diamant brut en un joyau intemporel de mélodies, de mélancolie, de raffinement, intégrant le clavier Martin Brändström qui deviendra par la suite un membre permanent du line-up.

Michael Stanne nous offre sur la majeure partie de l’album sa voix claire, chaude et touchante, en complément de son growl désormais parfaitement maîtrisé, qui conserve malgré tout une place significative, comme pour assurer une forme de continuité. Ce chant, qui se rapproche parfois de Dave Gahan (DEPECHE MODE) offre une singularité absolument inouïe à cet opus, entré depuis au panthéon des amateurs du genre.

Les cinq premiers morceaux sont absolument intouchables, touchant l’âme au plus profond. S’il me fallait choisir un morceau à passer le jour de mes funérailles, nul doute que "Auctioned" figurerait en bonne place, même si "ThereIn" (ou "Lethe" sur le précédent) lui offrirait une concurrence de choix. Quel dommage que ces chansons ne soient plus jouées en live de nos jours. Les arrangements sont somptueux, d’une classe folle et en même temps maîtrisée.

"Projector" est un voyage au pays des sentiments, balayant de la colère à la tristesse, porté encore une fois par des immenses lignes de basse et une production organique et équilibrée. Ce quatrième LP constitue une pièce à part dans la riche discographie de la bande de Göteborg, indubitablement. Il est simplement dommage que la seconde partie n’atteigne pas totalement le niveau de la première en terme de compositions (quoique "Nether Novas"…), mais était-ce seulement possible ?

Le déficit de violence est ici consciemment choisi, sans que l’intensité du rendu n’en souffre. Tout est conçu pour magnifier les harmonies, les émotions à fleur de peau, au détriment de l’agressivité. Mais il fallait sans doute en passer par là pour trouver à mes yeux le parfait équilibre sur les deux opus suivants, "Haven" et "Damage Done".

"Projector" n’en reste pas moins l’un des plus beaux albums de Melodeath jamais écrits. Il assure en outre une formidable porte d'entrée pour les novices en matière de musiques extrêmes.

Note réelle : 4,5/5.