Il est 9h30 du matin dans la salle des pas perdus du tribunal.

Jonathan fait les cent pas ; il se ronge les ongles, enfin ce qu’il en reste et a l’air hagard. Il est comme tous ces enfants à problèmes qui sont dans une spirale dont on ne voit pas comment ils vont s’en sortir.
La délinquance, la drogue des souvenirs douloureux d’abus sexuels et de violence ordinaire c’est tout ça son quotidien ; et c’est cette vie-là, cette spirale sombre et désenchantée qu’il met en avant avec ses acolytes de KORN au cours de ce premier album. L’allégorie de l’enfant à problèmes au foyer brisé et destructeur, KORN au travers de Jonathan Davis va l’incarner mieux que personne.

KORN, à coup de thèmes noirs et choquants va finir de détruire ce rêve américain et en montrer les fêlures ; les white trash loosers, abandonnés de ce rêve étaient arrivés dans la lumière avec les GUNS N'ROSES, le Grunge de NIRVANA a montré ces jeunes de la génération X prompts à penser au suicide et à l’autodestruction devant un modèle qui ne leur convenait pas ; KORN lui sort et expose tout le malaise profond caché dans les familles et ainsi montre l’échec de ce modèle si fringant dix ans auparavant.

La pochette est d’ailleurs significative : là ou celle de "Appetite..." montrait une femme allant se faire violer par un robot (la vraie pochette pas la croix) celle de "Nevermind" un enfant corrompu par l’argent, celle de KORN prend un enfant, une fillette, avec autour une ombre qu’on imagine sans peine menaçante et prompte à l’agresser et ainsi fait un mix des deux précédentes en plus glauque et nous transforme en voyeurs impuissants de ce qui va se produire.

Pour se faire la voix de ces jeunes brisés et laissés pour compte KORN pique les guitares de Steve Vai (7 cordes Universe Ibanez), mixe des éléments de Rap (les vrais dangereux de cette fin de millénaire) et produit des sons dérangeants et dissonants mettant en avant ces thèmes glauques. Davis, quant à lui, invente une sorte de chant halluciné empruntant au Scat Jazz mais suintant non le groove joyeux mais le mal être d’un enfant détruit qui a grandi sans combler les fêlures anciennes ("Faget" et surtout "Daddy" en sont de parfaits exemples).

Le Neo Metal est né, il est malsain et va amener une musique expiatoire violente et sourde à la production au cordeau. Pas de solos virevoltants pas de plan flashy (tout juste une cornemuse sur l’intro de "Shoots And Ladders" pour un côté inattendu) juste l’expression d’un mal-être.

KORN a changé la donne, plus rien ne sera jamais avant, et tout le reste du Metal prend de par ses thèmes précédents un coup de vieux majeur.