Au moment où j'écris cette chronique (26 janvier) et ce depuis quelques jours, nous pouvons observer à l'œil nu dans le ciel étoilé la comète ZTF. Une "première" (qui durera un petit mois) depuis 50 000 ans ! En 2004, la comète de Leipzig (plus communément dénommée DISILLUSION) faisait son apparition dans la voûte Metallique. Les plus mordus/informés avaient peut être suivi son évolution (depuis dix ans) et les quelques supports discographiques que sa traînée avait essaimé tout au long de son parcours nébuleux mais pour la très grande majorité, elle éclata dans toute sa splendeur en ce temps jadis de l'an 4 du IIIème millénaire. Une période d'activité continue de deux-trois ans (et un second opus déroutant) et elle retomba dans son anonymat périodique d'environ une décennie, avant de réapparaitre aux yeux du monde en 2016. À l'instar de ces astres de glace et de poussière, l'activité de DISILLUSION n'est pas constante et cette seconde occurrence dans nos sphères Metalliques semble plus pérenne que la première. En attendant d'apprécier l'éclat de ses dernières productions, replongeons-nous dans son émergence (littéralement) extraordinaire.

Il est des artistes qui sortent de nulle part et le temps d'un album mettent tout le monde (ou presque) d'accord. Presque vingt ans après sa sortie, "Back To Times Of Splendor" est toujours cet OVNI qui m'avait subjugué à l'époque. Cet album résultait de dix ans de maturation au travers de plusieurs démos ponctuées d'un EP, de concerts, de recherches de labels et d'aléas de vie personnelle de ses membres. Dix ans pour sortir un album au patronyme très ambitieux (il fallait l'assumer derrière), aujourd'hui devenu "culte" mais qui, de facto, porte plutôt bien son nom.

C'est Heavy, c'est Thrash, c'est Death, c'est Prog', c'est ambient, c'est violent, c'est mélodique, c'est incisif (les riffs taillent dans le vif), il y a des vocaux growlés et du chant clair... Mais ce n'est pas une cacophonie sans queue ni tête, bien au contraire, et ceci pour une raison très simple : c'est extrêmement bien écrit et construit (à l'image des deux morceaux fleuves du disque, l'éponyme et "The Sleep Of Restless Hours"). C'est très mature pour un premier album (l'historique du groupe aide mais c'est tout de même assez rare de sortir une telle œuvre pour véritablement lancer sa carrière). "Back To Times Of Splendor" marque par la fraîcheur qu'il apporte aux genres auxquels il emprunte (Death Mélodique/Death Prog'). Peut-être parce qu'il s'en situe à la croisée des chemins. Peut-être, tout simplement, parce que les musiciens sont bons et allient assez de fougue juvénile et de recul (ces dix années d'expérience) pour nous proposer quelque chose de neuf. Comme si la collision entre l'ambition, la digestion (de leur univers musical) et l'inspiration avait initié une sorte de Big Bang créatif aboutissant à cette singularité Metallique. N'exagérons pas outre mesure. Cela reste relatif. OPETH, ANATHEMA, SOILWORK voire le "Light Of Day, Day Of Darkness" de GREEN CARNATION peuvent être cités comme références sans que cela ne remette en cause la personnalité du groupe que je louais ci-dessus. Le chant clair peut évoquer SYSTEM OF A DOWN (les accents allemand et arménien seraient-ils cousins? (*)).

L'album est d'une homogénéité qualitative telle que citer une chanson aux dépens d'une autre relève de la gageure. Je remarque néanmoins que sa construction est très habile. Si on accepte que l'enchaînement sans répit des deux premières pistes peut former un ensemble unique avoisinant le quart d'heure, l'album alterne ainsi morceaux-fleuve (ajoutez-y l'éponyme et le final) et titres courts et évite donc l'indigestion en proposant des respirations qui l'équilibrent. De plus, l'album s'ouvre sur le titre le plus percutant ("... And The Mirror Cracked" et son riff sautillant et ce chant "syncopé" sur le refrain) comme pour mieux nous happer de suite dans son univers expansif. Tout semble avoir été pensé dans les moindres détails. Notons enfin la jolie pochette qui se déplie telle une frise imageant les différentes thématiques abordées.

N'épiloguons pas. "Back To Times Of Splendor" est un coup de maître absolu.

Morceaux préférés : Euh... Allez "...And The Mirror Cracked" pour sa parfaite introduction et l'éponyme pour son condensé représentatif mais franchement tout est qualitatif et essentiel ici.

(*) Une rapide recherche m'a appris que la physionomie phonologique (ça c'est du terme technique !) de l'arménien se rapproche en effet des langues germaniques. Lors d'un diner où votre penchant pour la musique Metal n'est guère apprécié, dites que l'écoute attentive de SYSTEM et DISILLUSION vous a permis de relever cette filiation plutôt populairement inattendue. Les sources de connaissance sont infinies et dépourvues d'a priori.