En 1986, durant la tournée de soutien à "The Final Countdown", John Norum annonce au reste du groupe qu’il le quitte. Il fait ça bien, il accepte de tenir le poste encore sur quelques dates, le temps pour les autres de débaucher Kee Marcello de EASY ACTION. Mais ça, on en reparlera plus tard. Bref, Norum fait preuve d’une très grande intégrité en faisant cela, lui qui avait clairement fait entendre qu’il était très mécontent du mix de l’album. Et personnellement, je le comprends tout à fait tant il semble en retrait, à contrario de synthés qui condamnaient l’œuvre à très mal vieillir rapidement.

Il y a eu un peu de mouvement de personnel au sein de EUROPE. Tony Reno a été remercié durant "Wings Of Tomorrow" et c’est Ian Haughland qui le remplace derrière les fûts. Quant à Tempest, il va se concentrer sur l’écriture et il va céder les claviers à Mic Michaeli, qui va ici prendre la part du lion. Ceux qui remarquent que j’ai placé un Metalhit sur ce disque risquent de ne pas comprendre ce revirement d’opinion pour le moins brutal, mais disons que je me suis rendu compte que je n’écoute jamais ce disque en entier. A dire vrai, je me contente des morceaux disponibles sur la compilation Europe 1982 – 1992 et encore, dans mes bons jours. C’est surtout le title-track qui tourne en boucle.

En effet, comme beaucoup, j’ai entendu pour la première fois EUROPE via ce morceau – pas par l’album – et je n’ai jamais renié ce plaisir coupable. Une série de notes que Tempest avait enregistré sur un vieux clavier au début des années 80 et qu’il va recycler ici pour en faire le tube que l’on connait, s’imposant face au scepticisme grandissant de Norum. Ce dernier s’illustre ici à travers un court solo de toute beauté, un de ses meilleurs au sein du groupe, mais on remarquera surtout que le tout tient entre la cohésion de la rythmique et des synthés. Et le chant impeccable de Tempest, évidemment.

Single providentiel qui marquera l’explosion du groupe, il va également être un arbre capable de cacher une forêt luxuriante. En 1986, le journaliste de Hard Rock Magazine parlait de ce disque comme étant le premier des Suédois. Il y aura clairement un avant et un après "The Final Countdown", la fougue rafraichissante des débuts ne pouvant plus fonctionner dans cet univers bien plus formaté, à la limite de la Pop. Je le racontais sur la kro-x du premier album, dans mon collège, tu pouvais écouter EUROPE, cela ne faisait pas de toi quelqu’un qui écoutait du Hard car ce n’était pas considéré comme tel.

Pour les besoins de cette kro-x, le disque a tourné. Et tourné. Après une dizaine d’écoutes, je me suis à nouveau réfugié dans le confort ouaté de son premier titre monumental, une réussite indéniable, que tout le monde connait et dont on ne devrait même plus parler, un peu comme "Bohemian Rhapsody" ou "Paint It Black". Des classiques absolus que tout le monde connait sans forcément rattacher les groupes qui les interprètent. Donc il y a le reste et là, on rigole quand même un peu moins.

Certains citeront "Rock The Night" comme un gros classique – ce qu’il est, assurément – mais cela n’en fait pas un excellent morceau pour autant, la faute à une guitare tout de même bien timide et à un Tempest qui, pour une fois en fait des caisses. Le clavier se veut également envahissant, ce qui nuit à la dynamique de la chanson et la transforme en quelque chose de très inoffensif. Ce problème survient également sur "Ninja", qui aurait mérité un tout autre traitement. Là encore le clavier vient arrondir les angles, un peu trop même et ce qui aurait pu être un morceau enlevé demeure bien plat.

Le ridicule ne tuant visiblement pas, EUROPE va pondre également un lot de niaiseries assez affolant. A croire que Tempest a été lobotomisé aux Bisounours entre "Wings Of Tomorrow" et "The Final Countdown". Il aurait peut-être été préférable de conserver la version originale de "Carrie", qui était un duo piano/voix plutôt que de l’enrober de toute cette masse confuse de guimauve. "Time Has Come" est particulièrement horripilante également avec ses claviers qui viennent prendre le dessus sur la guitare, emmenant dans sa besace un kitsch infernal. Surtout aujourd’hui.

Et il y a ces chœurs incessants qui ne ressemblent à rien de ce à quoi le groupe nous avait habitués, comme s’ils étaient forcés, comme s’il fallait absolument en mettre de partout pour coller à des standards FM. "The Final Countdown" est peut-être un album sincère de la part de Tempest, mais il ressemble nettement plus à un plan bien quadrillé pour décrocher le pompon du succès. D’ailleurs Joey dira que débuter les concerts avec la chanson "The Final Countdown" n’était pas une bonne idée vu qu’une partie du public se barrait juste après, alors qu’il était prévu que ce soit l’opener susceptible de mettre tout le monde en bonne condition pour la suite.

Avec un mix différent, je ne dis pas. Avec une guitare qui laisse pleuvoir les riffs et qui ne semble pas simplement se retrouver sur le devant de la scène lors des soli (quand les synthés ne s’incrustent pas). D’ailleurs "Rock The Night" prend une toute autre dimension sur scène, bien plus énergique. Alors oui, la chanson-titre mérite bien son 4/5, plus 5/5 parce que je l’ai certainement trop écouté, mais le reste est terriblement moyen dans l’ensemble ("Rock The Night" élève vaguement le débat, "Cherokee" est très bien jusqu’aux pouet pouet du clavier…). Et surtout, ce disque a bien plus mal vieilli que ses deux prédécesseurs dans le son, condamné dès 1986 à devenir très ringard dès les années 90.

Je n'ai absolument rien contre l'évolution d'un groupe. Je serai d'ailleurs l'un des premiers à applaudir "Prisoners In Paradise" et l'orientation plus Hard Blues des derniers efforts. Mais là, ça pue un peu trop les culs vaselinés pour être totalement honnête. Passer de bombes telles "Scream Of Anger" ou "Seven Doors Hotel" à ça, ça laisse tout de même très dubitatif. Pour ma part en tout cas.