Après une escapade en solo le temps de signer la BO de "Young Guns II" pour Jon, BON JOVI revient aux affaire en 1992 avec "Keep The Faith", un album qui a la lourde charge de faire entrer le groupe dans les années 90, après la déferlante "Nevermind" un an plus tôt. La tâche n’est pas aussi aisée qu’elle en a l’air et bon nombre de vieilles légendes des ’80 ont changé leur fusil d’épaule, sentant vraisemblablement le vent tourner (ou quelqu’un dans une maison de disques le leur aura fait remarquer). BON JOVI n’échappe pas à la règle et revoit son discours musical.

Sans pour autant se révolutionner, la formation ralentit ses tempos, la musique va prendre plus de temps pour se dévoiler, les morceaux sont un brin plus complexes. Tico Torres joue de façon différente, amenant un groove nouveau à l’ensemble, l’aspect mélodique est encore très soigné, avec des ambiances plus volontairement Rock dans l’idée ("I’ll Sleep When I’m Dead", "Woman In Love") et la production, signée Bob Rock, ne va pas aseptiser l’album, au contraire, il va lui conférer une fraîcheur qui fait toujours mouche près de trente ans plus tard.

Et "Keep The Faith" pourrait se targuer d’être l’apogée de BON JOVI, comme il pourrait être montré du doigt comme étant le début de la chute, une situation paradoxale et peu enviable pour un disque qui sera charnière dans la carrière du groupe. Ici, la formation du New Jersey aligne quelques-unes de ses meilleures compositions et ce, sur la longueur de l’album. Et autant vous dire qu’à cette époque où les CD étaient chargés ras-la-gueule, il faut les tenir les soixante-dix minutes qualitativement parlant !

Dès "I Believe", on comprend que le groupe a mûri. Ce n’est pas aussi direct que cela, c’est subtil dans son agencement, Sambora brille toujours de mille feux mais là aussi son phrasé est différent et l’ensemble est séduisant. "In These Arms" conserve ce côté plus FM qui a fait la réputation du groupe (et accessoirement, je crois que si on me le demande, je le citerai comme étant mon titre favori de la bande. Je sais, Kerry King dirait que c’est un peu tapette, mais j’assume), "If I Was Your Mother" présente un aspect plus plombé très séduisant, "Dry County" est superbe avec son solo de-la-mort-qui-tue signé Ritchie…

Mais il y a aussi la ballade "Bed Of Roses" qui ne laisse pas indifférent. On aime ou on déteste, tant cela semble mièvre, mais difficile de ne pas succomber à son charme velouté. Et elle résume parfaitement "Keep The Faith". Un disque qui prend son temps, qui varie les ambiances (se bouffer un "Fear" qui vient dont on ne sait où laisse dans un premier temps perplexe) et qui tend vers autre chose. Une nouvelle forme d’expression pour BON JOVI.

Et c’est là que ce disque pourrait marquer la chute du groupe. Autant que la ballade "Always" qui servira de tremplin pour la compilation "Cross Road" – elle-même bien chargée en moments de douceur – BON JOVI semble tendre vers une accessibilité de sa musique pour un public qui ne se serait pas intéressé à lui en raison de l’étiquette Hard FM qui lui colle à la peau, ce qui sera encore accentué sur "These Days" ; le groupe semble chercher l’approbation du Grand Public et le temps se profile où son parterre de fans va changer, soit il va évoluer soit il sera remplacé.

"Keep The Faith" reste un disque très référentiel dans la carrière de BON JOVI. Certains – dont je fais partie – diront que c’est son meilleur disque, d’autres avanceront le contraire. Rares sont les disques de cette durée à ne pas être lassants passé les trente premières minutes.