Marc-Aurèle nous dit : "Si la vie te blesse, soucie-toi moins d’elle". Lorsque l’on se bat contre soi-même, la vie en elle-même est une course de fond que l’on démarre déjà essoufflée. Lorsque j’entends ne serait-ce qu’une note de "Arntor", je sens bien que mon corps frémit, je sens bien que quelque chose d’émotionnel s’empare de moi, inévitablement.

Car l’ouïe comme l’odorat sont connectés directement à notre cerveau limbique, le centre des émotions. C’est un fait, la nature est splendide, remercions-la. Ainsi les sensations enfouies, les ressentis émotionnels oubliés réapparaissent, surgissent immédiatement. A contrario de la vue ou du goût par exemple qui demanderont un effort supplémentaire et convoqueront notamment l’activation de nos différentes mémoires, avec plus ou moins de réussite. Pour preuve, la fameuse odeur de la madeleine de Proust. Ce qui habite Marcel n’est pas la vue d’une madeleine mais bien une odeur de cuisine qui le transporte et le connecte immédiatement à son propre éprouvé mais aussi là où sa sensibilité d’antan l'emmène.

Si je vous raconte cela c’est aussi pour vous faire prendre la mesure d’albums ou de titres que sans doute vous chérissez inévitablement, comme "Arntor" et quasiment toutes ces tracks savent et sauront toujours agir en moi. À la faveur d’évènements forts, "Arntor" de WINDIR s’est intégré totalement en moi et certains titres - au premier rang duquel trône "Svartesmeden Og Lundamyrstrolle" précédant de peu "Kong Hydnes Haug", suivi de "Arntor, Ein Windir" et enfin de "Kampen" -, refont instantanément surgir une foule d’émotions de manière très intime. Mon visage grimace de ces souvenirs frissonnants, de ces souvenirs émergeant à nouveau en surface. Et si je vous confie que ces évènements ont été corrélé d’une certaine forme d’idée de la poésie je vous en dis déjà un peu trop.

Quoiqu’il en soit la poésie est un art du vivant mais aussi un grand naufrage. L’expulser de soi est nécessaire, c’est une parole interne comme le sont les pensées et nous savons bien tous qu’il ne nous faut pas tout garder. WINDIR et les titres pré-cités ont été pour moi cet espace sensoriel qui a concrétisé une forme de saturation poétique pour emporter ce penchant vers ce que Freud appelle la sublimation. À trouver de manière forcenée ce que les mots cachent comme précipices, ce que les lettres permettent de dérive sous leur aspect faussement inertes, on peut perdre la raison et sentir souffler une forme de basculement. WINDIR est cela pour moi, un combat plus ou moins victorieux contre les forces, contre les miennes ou celles des autres.

"Arntor" n’est point perfectible il EST. Plein, bouclant la boucle ou dessinant une spirale infinie dont les centrifuges et centripètes sont parfaitement équilibrés, "Arntor" envoie la vie, balance la mort, un poing fermé vers soi, une main ouverte vers l’au-delà. Un album somptueux et intemporel qui trône au Valhalla, mais surtout à l'acmé de ses cieux. Magique !