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DARK SANCTUARY - De Lumière Et D'obscurité (2000)
Par ORPHANAGE le 19 Mai 2007          Consultée 6299 fois

Les lecteurs les plus attentionnés de toutes les chroniques publiées sur NIME auront pu constater que DARK SANCTUARY est un groupe que je porte très haut en estime, et ce en dépit de toutes les critiques que l'on peut légitimement leur adresser. Ces mêmes lecteurs pourront également de manière très précise vous tenir au courant de ce que me procure la musique de ces six français : des images, des frissons, des émotions très fortes. Pourtant, on ne peut pas vraiment dire qu'en matière de tristesse musicale, ils s'y prennent de manière très subtile (ce n'est pas KATATONIA, quand même!), mais les sonorités ont un rendu si fin, si délicat, et surtout si sincère, que les plus mélomanes d'entre vous peuvent aisément se laisser séduire. Pour peu que la dimension sombre, voire même, extrêmement funèbre, ne les rebute pas. D'ailleurs, avec ce deuxième véritable album, qui est ma référence en matière de Dark Ambient, et donc mon album préféré du groupe, les Parisiens se lancent dans une danse on ne peut plus romantique avec l'entité funéraire qu'il développe depuis ses débuts.

Et quelle réussite! A la base, la recette n'est pas spécialement compliquée. Il s'agit apparemment de créer une musique mélancolique très inspirée par le monde des ombres, par les anges déchus, les cimetières, …un folklore on ne peut plus conventionnel, certes, mais que le groupe a su s'approprier exemplairement. Peut-être, pour commencer, par les choix qu'il a fait au niveau de sa formation d'instrumentistes. A savoir, deux violonistes, un percussionniste/bassiste, deux guitaristes/claviéristes et une chanteuse au timbre lyrique. Il est vrai que ce type de combo est très atypique, et constitue une première marque personnelle pour DARK SANCTUARY. D'autre part, le groupe s'inspire de très nombreuses familles musicales différentes, ce qui, même si le résultat reste un Dark Ambient évident, alimente et enrichit le patrimoine sous-jacent du sextette : musique classique, jazz, metal extrême (l'univers graphique du groupe en est très empreint), et bien entendu, les indispensables DEAD CAN DANCE et ARCANA. La dimension percussive et ethnique de ces derniers (surtout DEAD CAN DANCE, puisque ARCANA n'explore vraiment ces terrains là qu'à partir de son album "Le Serpent Rouge") ne se retrouve cependant pas sur cet album de DARK SANCTUARY (le groupe fera quelques essais sur ses chansons les plus Dark Folk comme "Vie Ephémère" sur "L'Etre Las", ou encore "Laissez-moi Mourir" sur "Les Mémoires Blessées"). Ici, tout est lancinant, rythmiquement proche d'un groupe de Doom atmosphérique en fait, bien qu'il n'y ait rien de guitaristiquement électrique ici. D'ailleurs, nul doute que le Doom Metal serait le genre qui conviendrait le mieux aux français s'ils décidaient de durcir le ton : l'univers nocturne et mortifère, poétique et romantique, procure le même type de sensations qu'un DRACONIAN ou MY DYING BRIDE.

Sauf qu'ici, tout n'est qu'un souffle éthéré, accablé par la douleur et le deuil. Ce qui est, à mon sens, délectable! Le concept de cet album, c'est l'histoire d'un ange qui, amoureux de la vierge, s'est vu expulsé du Paradis ; il se retrouve alors dans un cimetière pluvieux, qui sera le théâtre d'un combat entre les créatures de l'enfer et du paradis. Tout un programme! Bref, l'allergique au monde gothique aura vite fait de se détourner, pourtant l'histoire se suit de manière aisée, les textes sont simples et touchants, pas virtuoses, certes, mais parfaitement appropriés au style musical et à l'ambiance. Ambiance servie par un type de production exceptionnel qui rend grâce de la plus belle manière au travail "musico-visuel" fait par le groupe : effectivement, la production a, volontairement ou pas, traité les vocaux à l'aide d'échos très mystiques, et a retiré ceux-ci du premier plan pour les marier plus harmoniquement aux sublimes mélodies de violons et de claviers. La sensibilité qui se dégage de l'excellente interprétation de Marquise Ermia est bonnement saisissante, notamment sur "Le Paradis Noir", longue marche funèbre jouissant d'un extrême raffinement. Les mélodies vocales, d'ailleurs, sont souvent travaillées dans l'optique de créer le plus d'émotion possible, et elles sont rendues très accrocheuses, très tristes – d'autant que le timbre de la chanteuse est parfait pour ce registre –, et s'unissent avec une grâce incroyable aux nappes de clavier.

Le fond musical, pour autant, n'est pas en reste. De nombreuses critiques ont reproché la répétitivité et la monotonie de la musique de DARK SANCTUARY, impression probablement donnée par les tartines de claviers atmosphériques superposées les unes sur les autres. A fortiori, un certain minimalisme semble être de mise dans la composition, puisque les nappes sont les éléments les plus audibles, les rythmiques sont toujours désespérément lentes, les choix au niveau des accords sont des plus simples pour permettre une expression plus heurtante des mélodies vocales, bref, rien en apparence de bien compliqué. Mais un charme irrésistible opère. "La Chute de l'Ange", avec un superbe break et un texte narré très touchant, les percussions un peu épiques mais toujours chargées de souffrance de "Cet Enfer Au Paradis", les mélodies de violons tout simplement parfaites du morceau titre, les cloches et orgues terriblement fines et particulièrement bien traitées par le mixage dans un "Au Milieu Des Sépultures" époustouflant, ou un "Funérailles" qui porte très bien son nom. DARK SANCTUARY montre ici son talent dans la composition de mélodies hors du temps, dans l'élaboration de paysages que de nombreux musiciens s'évertuent à retranscrire avec bien moins de succès, dans l'immense qualité des arrangements. De plus, les moyens à leur disposition étaient à l'époque bien moins importants qu'aujourd'hui, ce qui les a conduits à faire des choix de traitement sonore différents…finalement bien plus en accord avec leur musique. "De Lumière Et d'Obscurité" a les qualités du groupe, sans les défauts, en quelque sorte : alors qu'il bénéficie de toute l'adresse et la justesse de construction des morceaux, de la sensibilité mortuaire et romantique, il semble être encore plus sincère, avec un parfum "underground" évident et éminemment extatique. L'extase, oui, l'extase face à un déchaînement de mal-être, face à une dépression aussi belle qu'irrémédiable…C'est d'ailleurs tellement triste qu'on se demande comment c'est possible d'être aussi triste que ce que la musique laisse entendre! Mais on ne se plaint pas, tant c'est superbe, tant c'est grandiose!

Ainsi, DARK SANCTUARY a réussi un exploit : il a réussi à ériger une atmosphère à la fois funèbre et belle. C'est le seul groupe qui semble l'avoir fait d'une manière aussi claire. Car les images de cimetières et d'églises sous la pluie nous viennent immédiatement, plus facilement qu'avec n'importe quel autre groupe, et le sextette n'a absolument rien de malsain, contrairement à certains groupes de Funeral Doom (que je ne rejette absolument pas, vous devez vous en douter!). Frustration : toute la splendeur, la magnificence, la désolation, l'ampleur, la beauté, l'immensité, la dimension poético-mortifère, la perfection graphique, la douceur lyrique, la sensation exquise de paysages embrumés, l'impression que le cœur s'en va dans une cathédrale mystérieuse, l'authenticité, toute la puissance exhalée par cet album ne semble pas être exprimée par cette chronique, mais le fait de le prévenir pourrait bien conduire le lecteur à penser que, tout simplement, les mots me manquent, et qu'il faut faire comme si c'était fait.

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- Marquise Ermia (chant)
- Arkdae (synthés)
- Hylgaryss (synthés)
- Sombre Cÿr (basse, percussions)
- Eliane (violon)
- Marguerite (violon)


1. Préludia
2. De Lumière Et D'obscurité
3. Le Paradis Noir
4. Rêve Mortuaire
5. Cet Enfer Au Paradis
6. La Chute De L'ange
7. Interludia
8. Au Milieu Des Sépultures
9. Ordre Et Décadence
10. Les Entrailles De Ce Purgatoire
11. Funérailles
12. Que Mon Dernier Soupir M'emporte
13. Summoning Of The Muse



             



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