Parmi tous les groupes qui ont pu s’engouffrer dans le boulevard laissé vacant par LYNYRD SKYNYRD à la fin des 70s, BLACKFOOT appartient à la frange la plus Hard avec MOLLY HATCHET. Mais contrairement à ces derniers, le démarrage aura été un peu long pour la bande à Rickey Medlocke. C’est donc avec ce troisième album que le groupe allait s’imposer, et ce de la plus belle des manières. Porté par son leader ultra charismatique, BLACKFOOT durcit le ton sur ce "Strikes", pour proposer une musique marquée par l’esprit sudiste, qui sent le terroir et la sincérité, mais qui rappelle qu’ici on ne rigole pas. L’esprit est clairement au Hard Rock, teinté de Blues bien entendu, mais un Blues qui se mêle à du Folk et des envolées rythmiques Country, bref la définition même du Hard Sudiste là ou un SKYNYRD restait encore profondément "Rock".

Ce qui distingue cet album, outre ce son désormais plus dur, c’est bien entendu la qualité des compositions (aucun titre à jeter ici), et surtout de l’interprétation. Medlocke écrase franchement la concurrence, là où des .38 SPECIAL et autres The OUTLAWS paraissent parfois un peu trop sages ou manquant d’envergure, Medlocke lui c’est le mec Over The Top : physique impressionnant, une vraie gueule, des racines indiennes qui font mentir une bonne fois pour toutes le raccourci foireux "Rock Sudiste = musique de gros racistes blancs", une fierté qui se lit sur son visage et à chaque apparition sur scène. Sa personnalité marque au fer rouge ce troisième album de la tribu des pieds-noirs.
L’album a beau comporter trois reprises, on s’en fout pas mal tant elles s’intègrent parfaitement dans l’ensemble même quand il s’agit d’un truc aussi connu que "Wishing Well". À vrai dire ces reprises surpassent même parfois assez nettement les versions originales (et je pense notamment à ce "I Got A Line On You" de SPIRIT), et pourtant elles ne font pas de l’ombre aux compositions originales du groupe qui se hissent au même niveau qualitatif. Notamment ce "Left Turn On A Red Light", qui, avec son texte introspectif et sa belle métaphore mise en musique, est une merveille de sensibilité mêlant habilement arpèges et rythmiques plus lourdes. On ne dira jamais à quel point le duo de compositeurs Medlocke/Spires était hors pair.

La fin de l’album est une véritable apothéose. Tout d’abord ce "Train, Train", qui rappelle à quel point ce moyen de locomotion a marqué l’histoire des USA, composé par le grand-père de Medlocke, devenu un des plus grands classiques du Rock Sudiste avec son riff au groove d’enfer. Et surtout le fabuleux "Highway Song", cet enfant, parmi d’autres, de l’intouchable "Free Bird". Il en reprend clairement la structure mais sans jamais laisser l’impression d’être un faible ersatz. On se retrouve tout autant transporté qu’avec son aîné, et pas seulement par la cavalcade de guitare et l’orgie de solos (tout le monde se doit de savoir que les meilleurs solos de l’Histoire du Rock ont été conçus à Jacksonville), car ce que je retiens vraiment le plus sur ce titre c’est bien les lignes de chant de Medlocke qui voit placer des envolées aigues somptueuses sans rien enlever au virilisme du bonhomme !

"Strikes" est l’album incontournable de BLACKFOOT, s’il fallait en écouter qu’un seul, c’est celui-ci.