En mode routinier depuis des années, PARADISE LOST. En mode on s'emmerde si vous préférez. Après la vraie bonne idée artistique et vraie mauvaise idée commerciale One Second, le groupe s'est effondré. Commercialement, puis artistiquement. On connaît la suite, DEPECHE MODE aux amphétamines, rock minable et retour en arrière ni totalement consommé ni totalement assumé pour éviter une mort clinique. Et PARADISE LOST vivote aujourd'hui sur son lit d'hôpital sans jamais plus créer l'événement ni passionner grand monde.

Mais boum takatak tsoin tsoin, In Requiem est aujourd'hui dans les bacs et la surprise est là. In Requiem est un beau disque, voilà, c'est dit. Alors oui, la précédente cuvée, l'éponyme, bénéficiait de mon indulgence. Mais autant l'admettre, je peinais à m'attaquer au colosse et n'ai guère osé faire étalage de tout mon sens critique, connaissant pertinemment l'âcreté de celui-ci. Rectifions donc le tir immédiatement. In Requiem est meilleur que son prédécesseur. Il est même nettement plus riche en émotions. Et si la souffrance romantique et maussade d'un Icon semble encore lointaine et couchée dans le souvenir, je peux néanmoins pianoter sur mon clavier en toute liberté. Pas besoin de refreiner mon humeur afin de masquer un énième désappointement, je pourrais faire preuve d'une totale honnêteté et ne pas maquiller, comme il m'arrive parfois, un avis toujours trop négatif.

La surprise est là ? Non, la sensation est immense. PARADISE LOST a retrouvé sa couleur, ce gris pluvieux qu'il est seul à si bien revêtir. Rythmes lourds de cathédrale, mélodies brumeuses et un timbre vocal renouvelé. On sait Nick Holmes approximatif, piètre performeur de concert. Après avoir éclairci sa voix jusqu'à l'exagération, il retrouve aujourd'hui une douce âpreté naturelle et se permet de jouer sur plusieurs registres et de multiplier les couches avec de superbes effets de chœurs.
Autre information positive, In Requiem ne marche pas sur les plates-bandes des monuments érigés par l'artiste au milieu de la décennie passée. Il sait se faire plus léger comme si une formule équilibrée avait été trouvée pour concilier une pesanteur dont il reste encore quelques scories qui datent de débuts purement doom et ce faux air de radio FM détestable sur quelques frisbees récents, dorénavant parfaitement écoutable, voire discrètement enjôleur. Les premières secondes de "The Enemy" sentent le noir de Gothic, "Praise Lamented Shade" et ses effets de sample évoquent brièvement Host.
Dernière jolie nouvelle, les crocs de l'animal ont repoussé et mordent dans un metal qui a récupéré de sa substance. Riffique par moments, la bestiole accroche à nouveau de ses griffes acérées d'infinies touches de mélancolie. In Requiem rage, In Requiem pleure, In Requiem s'est inventé une personnalité.

Le quintette (admettons que Jeff Singer possède le statut membre à part entière) d'Albion a aujourd'hui quitté l'alimentation sous perfusion. Mieux, il remarche. Mieux, ses déambulations séduisent. Mieux, les médecins ont livré leur diagnostic, PARADISE LOST est redevenu un groupe valide … et valable. Valable ? Non, bon. Très bon ?
Le paradis serait-il reconquis ?