Le sort semble s’acharner contre DEF LEPPARD à mesure que les Anglais embrassent le succès à pleine bouche. Après le carton "Pyromania", c’est Rick Allen qui perd un bras dans un accident de voiture. Pour Steve Clark, c’est l’alcool qui aura eu raison de lui le 8 janvier 1991, laissant un groupe dans le deuil. Les épreuves s’accumulent mais plutôt que de jeter l’éponge, Joe Elliott et sa bande vont utiliser les morceaux laissés par leur ami et les terminer, afin de les enregistrer avec du matériel neuf. Mutt Lange est toujours à la production, mais cette fois-ci il ne met pas son nez dans l’écriture.

Alors là où l’on pouvait attendre un album dans l’émotion, cette dernière est quasi absente de cet "Adrenalize". Certes, certains passages de "White Lightning" vont toucher la corde sensible, mais globalement, il faut plus chercher du côté d’"Hysteria" pour le style global de ce disque, avec un côté Rock toutefois plus prononcé. Cela reste une grosse production, trop propre, trop stérile également, c’est l’efficacité du son qui est recherché avant tout et le tout est bien trop clinquant en ce début d’années 90. Sérieux, on place "Adrenalize" à côté de "Nevermind", "Badmotorfinger", "Dirt", "Psalm 69" ou le premier RAGE AGAINST THE MACHINE, on se dit que l’on passe à travers une faille temporelle. Pire, quand on le compare avec le comparable, c’est-à-dire BON JOVI, la bande à Jon défonce celle de Joe.

Et si le groupe voit à proposer des durées plus courtes pour ses chansons, le résultat est parfois franchement poussif. "Let’s Get Rocked" est une ouverture un brin mollassonne, "Stand Up" est à peu près aussi dangereuse qu’un lapin adolescent, "Have You Ever Needed Someone So Bad" est le genre de truc qu’interdit la convention de Genève. Le pompon de la connerie étant décerné à "Make Love Like A Man" que même MANOWAR n’a pas osé faire au niveau du texte. C’est affligeant et même musicalement ça ne casse pas trois pattes à un canard.

Puis il y a des moments où l’on est agréablement surpris. La ballade "Tonight", bien qu’ayant un refrain un peu trop facile, se veut plutôt plaisante, les fulgurances (et l’intro !) de "White Lightning" sont appréciables même si le morceau en lui-même est finalement assez quelconque, "Tear It Down" termine l’album sur une note très énergique, qui fait réellement plaisir à entendre. On se croirait replongé des années en arrière, pour un intermédiaire entre "High’N’Dry" et "Pyromania" et on se rend compte que le léopard en a encore sous les coussinets. Mais qu’il ne l’exploite pas.

"Adrenalize" vendra encore pas mal. A cette époque, il était l’un des albums attendu de l’année, DEF LEPPARD étant devenu un gros nom de la scène après les succès colossaux de "Pyromania" et d’"Hysteria". La mort de Clarke jouera aussi sur la nostalgie de certains fans et il ne faut pas oublier qu’à cet époque, les albums ne fuitaient pas sur le web, si on voulait les écouter, fallait les acheter… Mais il s’agit d’un sacré anachronisme musical pour 1992, le genre de truc qui n’aurait pas dû exister mais qui a tout de même terminé dans les bacs. Et ça, c’est fort.