La boule d'énergie de Birmingham nous refait le coup de ses vertes années. Comme "Epistemological Despondency", comme "The Pernicious Enigma", cette cinquième livraison studio nous est servie sous forme de double album. Apprêtons-nous donc à vivre des jours, des semaines, peut-être des mois d'une lente, d'une très lente mastication. Même ses adeptes le reconnaissent, ESOTERIC a toujours figuré en tête de gondole du rayon des indigestes. Une série d'éruptions d'une longueur infinie, un magma dense et effroyable qui avale tous les misérables obstacles qui peinent à se dresser sur son passage, voilà résumée la discographie de ce volcan insurmontable du doom metal.

Mais détail d'importance pour tous les Haroun Tazieff du gros son, le cœur de la montagne ESOTERIC a vu son activité réduite ces dernières années. La température s'est abaissée et le monstre de roche n'extirpe plus ses crachats de lave en fusion avec la même rage. Oui, vous avez bien entendu, ESOTERIC s'est calmé. Le souffle revient, le pouls reprend un battement régulier, le stress s'évacue depuis les pores rassurées de la peau… "The Maniacal Vale" ne serait donc pas cette interminable orgie de bruit et de fureur tant redoutée et déjà vécue sur l'insupportable "The Pernicious Enigma" ?

- Mais ta gueule, t'es con toi !
- Pardon ?
- T'es con toi !
- J'ai bien compris mais après.
- "The Pernicious Enigma", il déchire, t'as rien capté, putain, tu fais tiep' !

Je sais, je me suis trompé de personnage, le doomeux ne parle pas comme ça. D'ailleurs, le doomeux ne parle pas, il est timide. Ou alors il s'excuse (de quoi, on n'en sait trop rien) sans regarder son interlocuteur. Mais le message est tout de même passé :
"The Pernicious Enigma" représente la strate supérieure de l'édifice ESOTERIC.

Problème : "The Pernicious Enigma" est parfaitement imbitable pour tout metalleux lambda.
Problème compris->tentatives de solutions->problème résolu.

Des tentatives de solutions au nombre de deux.
La première aujourd'hui abandonnée, cette fameuse réduction du rayon d'action temporel et le passage au format simple CD.
La deuxième aujourd'hui arrivée à maturité, le décompactage de la masse sonore.

Même s'il aurait été plaisant de voir le monstre rogner les minutes, il suffisait peut-être de leur octroyer quelque oxygène, quelque variété, quelque délicatesse. De moins en moins dérangeant avec les années, l'orchestre funéraire choie maintenant l'auditeur. Il le laisse respirer, preuve en est ce vide qui intervient à de savants moments afin de faire passer l'étouffement prodigué auparavant pour un horrible souvenir. Il le divertit au lieu de l'accabler dans un labyrinthe de millions de tonnes dont personne n'a jamais pu sortir et "Caucus Of Mind" réveille les esprits de son death metal survolté. Il cesse de l'effrayer en permanence, le chant de Greg Chandler fait étal de bestialité et de tourment en de plus rares occasions pourtant toujours indispensables.

Aboutissement d'une politique de rassemblement, envies différentes, volonté de devenir un peu plus sympa avec ceux qui pourraient l'écouter, ESOTERIC, en gommant les excès qu'il revendiquait à ses débuts ne pétrifie plus son public, il le dorloterait presque et ouvre les portes de sa sublime bâtisse à de nouvelles ouailles qui se laisseront tenter par le somptueux de son nouveau discours.
Au bout de cent minutes de sons graves, lourds et sombres, on en parvient à la conclusion suivante : ESOTERIC, dans son nouvel écrin de presque soie, peut quitter le monde des marginaux et des fous pour s'installer confortablement dans un fauteuil de roi. Et dans la petite niche du funéraire, l'artiste pourrait même devenir leader si SKEPTICISM ne tardait trop à nous offrir un successeur à "Farmakon".

"The Maniacal Vale", un quasi 5 étoiles écorné par la nécessité de poster un avertissement permanent sur les créations, même la plus douce, d'un des groupes les plus terrifiants de l'univers, un quasi 5 étoiles raboté par sa satanée longueur, même domptée.
"The Maniacal Vale", disque de cette première moitié d'année ?