Parce que l'Homme est confronté à l'ineffable il a fallu qu'il invente l'art en même temps que la métaphysique et parce que l'homme communique par biais de sons il a fallu qu'il invente la musique en même temps que le langage. Dès lors ont suivi la monodie et la polyphonie, les accords de dominante et le mouvement contraire(*), les orchestres et les solistes, les troubadours et les ecclésiastiques, les violes de gambes et les synthétiseurs, les musiques populaires, savantes, profanes et sacrées. Des hommes ont vécu et sont morts par, pour ou en la musique, tout au long de son histoire, de ses divisions et de ses querelles. On a décrété des dogmes et consacré des génies, on a échafaudé des théories et instauré des tabous.

Des cohortes de gratte-papiers ont suivi le sillage des musiciens pour livrer des discours sur la condition des grands et des petits, critiquer, noter, classer et étiqueter. Loin de moi l'idée de me ranger avec cette posture démagogue de célébrer la Grande Musique "Belle" et "Universelle" qui Dépasse les Normes et autres Genres et de vouer aux gémonies un travail certes nécessairement petit et sans éclat mais bien nécessaire. Cartographier un labyrinthe ne fait pas de vous son bâtisseur mais cela permet néanmoins aux visiteurs de choisir s'ils préfèrent se perdre ou avancer. Cette idée mal construite part pourtant d'une intuition correcte : celle de la vanité de cette taxonomie et de son incapacité à approcher et décrire le caractère unique de l'expérience sensible. Tous ces mots que vous êtes en train de lire ne peuvent par exemple prétendre approcher d'une description de "Memoria Vetusta II" et d'autant plus qu'il s'agit d'une expérience intrinsèquement solitaire et personnelle comme le disait avec lucidité Vindsval dans une interview que j'ai égaré.

Là, c'est le moment où je parle des fresques cosmiques, des guitares vaporeuses, d'un apaisement BURZUMien, d'une seconde wave EMPEROResque, sorte de renaissance post-MoRTem d'un Orphée surgissant des enfers ou d'Orion placé parmi les étoiles. Ce disque c'est un peu comme la plus haute flèche d'une église, ce n'est pas parce qu'il se repose sur des colonnes qu'il ne peut pas prétendre à s'élever un peu plus vers le haut, comme un doigt tendu vers le ciel pour que le suive le regard des hommes. C'est aussi un certain sentiment de maturité tout aussi bien artistique que spirituelle, une sorte de plénitude sereine traversant intacte le tourbillon du monde. Comme une grande partie de l’œuvre de BLUT AUS NORD c'est la bande-son d'une vie intérieure et d'un monde extérieur dont la nature et la réalité n'a pas besoin d'être enchaînée par des mots car c'est pour cela que la musique existe.

Igor Stravinsky disait que le seul véritable commentaire d'un autre morceau de musique est un autre morceau de musique. Je vous prie de m'excuser mais je vais m'en retourner à mes maigres instruments après, encore, juste une dernière fois, un dialogue avec les étoiles.

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(*) 6:46 sur "Antithesis Of The Flesh".