Intro philosophique

Tellement de tentatives, tellement peu de vraies réussites. Tant de musiciens qui essaient de trouver LE line-up qui leur fera décrocher le gros lot, tant de groupes qui ne font qu'accrocher leur instrument par manque de réussite… Ce phénomène naturel et normal a créé un autre phénomène normal et naturel qui renvoie immanquablement au premier phénomène déjà cité, qui lui, donc, ne saurait exister sans le deuxième… Bref, la roue tourne et envoie ceci comme message : difficile de tenir l'alignement parfait, au membre près, quand on fait de la zizique.

Ce qui m'amène à vous parler du nouveau-né MISTUR, fusion de talents divers partageant un même et joli amour pour le Black/Viking norvégien. Normal, ils sont tous originaires de cette charmante contrée… Composé notamment de Stian Bakketeig, guitariste de WINDIR de 2001 à 2004 et Kenneth Mellum, qui a officié avec MYRKGRAV, et du guitariste et claviériste du jeune groupe de Folk/Black SIGTYR, MISTUR propose une rafraîchissante purée de Metal défonce-tympan et aguiche-tripes. Un Viking qui cède la moitié de son pont supérieur à un Black rageur et mélodique.

Au menu : 50% de brassages et 50% de riffs et claviers planants, épiques et grandioses, comme sur le champ de bataille. Endroit où les plus barbares et «insolites» démonstrations de bêtise et de bravoure humaines ont pu être observées, endroit où les pires sanglots de veuve ont pu être entendus… C'est ça MISTUR. Si vous aimez l'image née de votre lecture des trois dernières lignes, vous adorerez ce combo comme moi je l'ai adopté. Sans papier, sans pedigree, sans fioritures, une adoption naturelle, un attachement éclatant.

Aussi ne faut-il pas sauter aux conclusions en écoutant le fer de lance de cette décharge homérique et émotionnelle, "Slaget", strictement guerrier. Un glaive pesant qui met la table aux autres compos passablement plus variées, fonds et formes. Ça commence avec "Svartsyn" et son début titanique, qui se mute vers une brume atmosphérique synthétique poignante où l'on perçoit les lamentations d'une femme et des envolées de guitare languissantes et coupantes. Formule qui sera répétée jusqu'à la fin des sept titres de la galette des Norvégiens.

Nous en priver aurait été un crime affreux, car on se serait passé de ce mélange de voix grave et de chant clair (celui-ci se manifestant surtout en chœurs), de ces bridges éthérés ("Armod"), ces envolées au synthé qui sont tout bonnement magiques ("Skuld") et de cette fougue de guerrier qui définit avant tout ce Black de barde exalté. De longues aventures dans les méandres de la culture combattante, comme "Mistur", instrumental nirvana aux ambiances épico-nostalgiques. On se croirait emprisonné dans une trame sonore de film de chevalier !

Même son de cloche au début de "Skoddefjellet", reprise d'une démo, qui s'emballe ensuite dans une superbe chevauchée bestiale et mélodique. Les airs de MISTUR collent vraiment à la peau, comme une brise chaude dansant sur la plaine empestant le sang coagulé, un voyage intérieur chamboulant et apaisant en même temps.

Un tel périple ne saurait être complet sans un obélisque en clôture. J'ai nommé la pièce-titre, qui, de ses 13 minutes, nous résume la panoplie d'émotions gravées sur cette galette tremplin de MISTUR, un pur moment de bonheur d'une intensité remarquable. Ahhhhh, ce court bridge à la guitare et au clavier en plein milieu, c'est de l'or en barre ! Et cette finale ?! Ouf, ça prend aux tripes ce truc…

De la grisaille, de la tristesse, une communion avec les esprits évanouis, un regard vers l'avenir, un vent d'espoir, les zicos nous en mettent plein la gueule avec leur première perle. Auraient-ils trouvé la combinaison gagnante ? Comme ses compatriotes de DRAUGNIM, MISTUR est un pro du tapissage atmosphérique et envoie une sauce d'enfer sur "Attende".

MISTUR, une alternative au défunt WINDIR ? Pourquoi pas ? Pas un remplaçant, mais une façon de combler le vide laissé par de tels groupes malheureusement disparus dans les affres de la bataille. Une façon de se réconcilier avec ses mauvaises pensées et de constater que la nouvelle vague de young guns norvégiens est foutrement intéressante.

Un must. 4,5/5.