L’histoire de ce premier live officiel d’AEROSMITH est plutôt cocasse. Lassé de voir les vinyles live piratés se multiplier et se vendre comme des petits pains pour des résultats souvent médiocres, le groupe avait tout simplement décidé de faire un joli doigt d’honneur aux bootlegueurs. Pour se faire, il commercialise "Live Bootleg", une compilation de seize enregistrements étatsuniens issus de plusieurs concerts tous datés, à deux exceptions près, de 1977 ou 1978. Le parti est pris d’un résultat brut, authentique : les titres sont livrés tel quel, pratiquement sans retouche studio. Le look crado de la pochette vient appuyer ce choix artistique. Le pari aurait pu s’avérer risqué, mais finalement, ça a été un vrai coup de maître. "Live Bootleg" explose littéralement les ventes et fait le bonheur des fans. On n'aurait jamais pu croire AEROSMITH capable de ça quelques années plus tard.

En effet, ces performances-là se situent aux antipodes de ce à quoi le groupe habituera le grand public à la fin des années 80. Le son très underground de ce live particulièrement vivant surprend, au moins autant que l’audace et l’agressivité auxquelles se livre un groupe qui aura tôt fait de se laisser aller au politiquement correct commercial pour renflouer ses caisses. Il émane de ces 75 minutes de concert une ambiance particulièrement rock’n’roll, tout à fait dans l’esprit des 70’s, avec son lot d’improvisations musicales et son son âpre et rugueux. Steven Tyler n’est pas toujours bien au point (entre autres sur "Back In The Saddle"), les zikos se laissent parfois aller à quelques approximations douteuses. Mais bon dieu que ça fait du bien, de temps en temps, d’avoir affaire à une authenticité pareille.

N’allez surtout pas penser que l'on vous parle d’un truc de puriste, là n’est pas la question. Il ne s’agit pas non plus d’un vulgaire cadeau fait aux fans, et malgré la volonté assumée du groupe de dire « fuck » aux receleurs de bootlegs artisanaux, cette compilation atypique transcende largement le cadre étriqué de cette démarche. Le côté vaguement fondamental, le style un peu "retour aux origines" de "Live Bootleg" peut aussi trouver une explication dans le contexte de l’époque : toutes les pistes qu’il rassemble sont issues des cinq premiers albums d’AEROSMITH. Ceux qui connaissent un peu cette période doivent sûrement savoir qu’il s’agit là d’une sorte de phase historique du groupe qui atteignait alors son apogée, avant que la bande à Tyler, pas franchement réputée pour sa sobriété, ne parte en vrille dans des compositions "merdiques" qui ne lui feront pas relever la tête avant 1987…

Du coup, il n’y a que des enregistrements excellents sur ce improbable bootleg officiel. "Sweet Emotion", "Toys In The Attic", "Mama Kin", "Dream On", "Walk This Way" : aucun titre culte n’a été oublié. On a même droit à une reprise très correcte de "Come Together" des Beatles. Malgré le côté compilation du truc, l’ensemble a une grande cohérence aussi bien technique qu’artistique : toutes les chansons sont interprétées sur le même ton, avec le même son, la même énergie, la même insouciance, la même fraîcheur. Aux antipodes d’une superproduction commerciale, "Live Bootleg", malgré ses évidentes limites techniques, est un produit unique en son genre. Il ne fera jamais un bon best-of, et n’est donc pas à recommander aux non-initiés, mais reste incontournable pour quiconque souhaite approfondir sa connaissance d’AEROSMITH ou sa culture du Hard Rock. Culte, tout simplement.