Bizarrement, ce n'est pas dans son fief que MONSTER MAGNET fera ses débuts, mais en Europe. C'est d'ailleurs le label allemand Glitterhouse Records qui s'occupera de distribuer les premiers travaux du combo, soit deux EP au début de la décennie (l'éponyme et "Tab") et ce "Spine Of God" dés 1991. Les Français du label Go Get Organized suivront de près en proposant un format vinyle de l'album à l'artwork complètement différent qui fait aujourd'hui la joie des collectionneurs. Toujours est-il qu'outre-atlantique, le "monstre aimanté" reste inconnu au bataillon. Dans le genre "je ne suis pas prophète en mon pays", la bande à Wyndorf fait figure d'exemple...jusqu'au doré "Powertrip" qui finira par changer la donne.

Il en est peut-être encore parmi vous pour penser qu'à l'aube du nouveau millénaire MONSTER MAGNET faisait encore du "Space Rock" et en fait toujours depuis. Un point de vue qui ne fera pas long feu face à l'explosion sonique des premières mesures de "Pill Shovel". Les guitares de Wyndorf et McBain, loin du gros son métallique qui caractérisera les productions futures et leur fera vendre des galettes par palettes, sont ici gorgées de fuzz et de distorsion avec un son garage du plus bel effet. D'une voix chargée d'échos, Dave évoque la dope, les pills, la coke, la planète Mars, les hamsters..."J'ai acheté un exemplaire de Zoso/De la semence s'extirpait de la tranche". On nage en plein délire et on ne cessera de prendre de l'altitude, nourrissant notre cerveau d'une quantité non négligeable de vibrations cosmiques. Hé, j'ai fendu mon crâne à force de planer ! Pas grave, c'est tout aussi bien...

Au milieu de ce brouillard sec, McBain et consort tissent un savant agencement de riffs chromés chevauchant une rythmique survoltée au son de hululements de soucoupes volantes. De ce côté, le paroxysme est atteint sur "Black Mastermind" qui nous entraine dans un voyage aux confins de l'esprit (dixit les AMBOY DUKES) avant de déboucher sur la sérénité enivrante de "Zodiac Lung".
Vénéneux, aux relents de bad trip, le morceau titre se glisse en vous et fait froid dans le dos, et ne soyez pas surpris si vous avez un insecte dans l’œil car on ne s'amuse pas comme ça avec la colonne de Dieu... L'influence des psychotropes et des 70's ne faiblit jamais, le groupe s'offrant même une tranche de GRAND FUNK RAILROAD le temps d'un "Sin's A Man's Brother" sous acide.
Après ce trip condensé, la ballade "Ozium" est accueillie comme une bouffée d'air pur (c'est le cas de le dire), on gambade dans les cotonneuses plaines parcourues de bulles multicolores, on glisse le long de l'arc-en-ciel, la descente se fait en douceur, l’atterrissage est sans encombre...

Le climat d'indifférence qui entoura la sortie de l'album fait qu'ils sont au final peu nombreux à avoir à l'époque goûté aux frasques de ces natifs du New Jersey. Parmi eux se trouvait néanmoins un journaliste du magazine Spin, permettant à "Spine Of God" d'intégrer le singulier et hivernal "Top 10 des meilleurs albums que vous n'avez pas entendu cette année". Coïncidence ou pas, c'est quelques mois plus tard que Caroline Records, filiale de Virgin spécialisée dans les trucs jugés un peu "à part" (PRIMUS et les SMASHING PUMPKINS font à l'époque partie des clients) commencera la distribution sur le sol américain.