Une année après la gifle "Projector", DARK TRANQUILLITY est (déjà) de retour aux affaires...
Il est évident que tout le monde était en droit de se demander ce que le groupe allait nous livrer après l'épisode "expérimentation" cité plus haut. Allait-on encore voir nos Suédois explorer de nouveaux rivages au détriment de ce Death Mélodique si cher à nos petites oreilles ?

Il faut bien reconnaître que l'entreprise pouvait paraître aussi risquée que complexe : l’aîné ayant atteint le statut amplement mérité de chef d’œuvre (désolé, j'assume le terme), en tout cas de pierre angulaire dans le discographie du groupe, le besoin de se remettre en selle de suite ne paraissait pas forcément évident. On peut tenir ce genre de discours quand à la suite d'un échec il faut battre le fer tant qu'il est chaud, un peu comme un enfant chutant de son vélo pour ne pas développer d'appréhension. Mais pour le cas présent, fallait-il laisser la fan-base baigner dans les riffs de "Projector" ou bien indiquer par un signal fort que cet opus était une expérimentation à l'échelle du groupe ?

"Haven", arrivé ainsi rapidement, rassure les fans de la première heure, en tout cas en partie. DT retourne à ses premiers amours et nous sert fort heureusement un nouveau chapitre de ce son si propre et personnel au groupe.
Conclusion intermédiaire : décidément, DARK TRANQUILLITY ne fait jamais véritablement deux fois le même album.

Mais comme la magie du combo n'opère jamais seul, les sonorités continuent à évoluer… Refrains imparables, breaks tout en contrôle... Nous sommes désormais bien loin de la rage et de la furie d'un "The Gallery" par exemple. Le côté Prog prend davantage ses marques ici et les hits en puissance se succèdent au rythme des changements de plages. Le pont d'un "No Built At Last" illustre parfaitement cet aspect : ce morceau mixe avec beauté tout ce que le groupe a su mettre en place depuis maintenant plusieurs années. Il est à noter à ce titre qu'un clavier intègre sur cet opus officiellement le line-up du groupe en la personne de Martin Brändström.

Le Death Mélo est magnifié, chiadé comme jamais. Sans doute un peu trop à mon goût, ce qui ne lui vaut pas d'occuper une place de référence dans ma disco type du groupe. Si effectivement les quatre premiers titres marqueront évidemment l'auditeur, la faiblesse de certains auront tôt fait de dénaturer quelque peu le génie créatif de ce groupe ("Emptier Still" par exemple, trop facile). Le royaume de la mélancolie s'étend, la complexité des morceaux n'étant plus à l'ordre du jour. Cette forme de "simplicité" de création ouvre de nouveaux espaces au groupe. "Feast Of Burden", "Rundown", pour ne citer que ces titres illustrent cette dimension que le groupe déploie alors : il offre ainsi de nouvelles perspectives au Death Mélodique, à un moment où la scène rayonne. La présence en nombre des titres mid-tempo illustre s'il le fallait davantage l'aspect transitionnel de ce "Haven" : une forme de sortie du chant clair et du calme de "Projector" pour mieux déboucher sur un "Damage Done" intemporel, aux réglages millimétrés. À ce titre d'ailleurs, j'ai acheté au même moment ces deux opus, le même jour. J'ai commencé chronologiquement par celui-ci (une écoute) enchaîné par son successeur… Je ne suis pas revenu en arrière avant un très long moment !

Mais comme toujours, la magie opère grâce à des voix exemplaires de Stanne qui ne fait que progresser au fil du temps ("Fabric") pour ne plus être attaquable (pouvait-il l'être de toute façon ?). Il occupe au panthéon des mes idoles une place ultime avec Layne Stanley (ALICE IN CHAINS) dans un genre bien différent. Il est capable de magnifier tant d'émotions avec un chant complexe et habité, voyageant entre le guttural et une voix claire à fleur de peau. DARK TRANQUILLITY incarne à travers "Haven" cet aspect brutal au service des émotions, cette mélodicité des instruments livrée à la férocité d'un chant growlé... Classe, subtile et soyeux, cet album annonce le sommet de la discographie du groupe pour de nombreux fans dont votre serviteur.

"The Wonders At Your Feet" disent-ils…

Note réelle : 4,5/5.

Top : "The Wonders At Your Feet", "Fabric", "No Built At Last", "The Same".