Pour certains, TESTAMENT avait mis un genou à terre avec le décrié "Ritual" tandis que "Return To The Apocalyptic City" était la version audio d’une exécution mafieuse, à savoir une balle dans la nuque. Un groupe has been, définitivement fini, qui n’avait plus sa place dans le paysage musical en pleine évolution du milieu des années 90. C’est là bien mal connaître la ténacité d’Eric Peterson et de Chuck Billy, qui, malgré un groupe remanié, vont prouver qu’ils n’ont rien perdu de leur superbe.

"Low", déjà, c’est une pochette marquante, signée Dave McKean, excusez du peu, un artiste qui mélange dessin, photo, collage et acrylique pour un style unique, qui rendait chaque couverture du "Sandman" de Neil Gaiman plus marquante que la précédente et qui s’était également chargé de l’artwork du "Last Temptation" de ALICE COOPER la même année. Et si ça ce n’est pas la classe, je ne sais pas ce qu’il vous faut. Comment ça c’est moche ? Mais allez vous crever les yeux avec des os de poulet !

Combler le départ de Skolnick n’était pas chose aisée. Le guitariste possède un toucher impressionnant et produisait un jeu très mélodique, ses soli étaient fins et rapides. On pourrait presque dire qu’il surnageait par rapport à ses camarades. Aussi, le choix de faire appel au talentueux James Murphy (DEATH, OBITUARY) est une idée géniale : il est impressionnant et son phrasé mélodique diffère grandement de son prédécesseur, ce qui est plutôt une bonne chose quand on veut tourner la page. Et sans vouloir être indélicat, Louie Clemente s’avère, quant à lui, bien plus facile à remplacer et Joey Tempesta (EXODUS) va abattre ici un travail monstrueux derrière les fûts.

Ajoutez à cela un choix de producteur intelligent (Gggarth, à qui l’on doit aussi bien des albums comme "Pride" de WHITE LION, mais également le premier RAGE AGAINST THE MACHINE) et tout se mettait en place pour que ce "Low" sente vraiment très bon. Mais pouvions-nous seulement imaginer que Chuck Billy allait tout bonnement faire bouillir son sang amérindien et nous scalper, purement et simplement ? Sur ce disque, il est vraiment impressionnant. Son chant conserve ses caractéristiques habituelles, mais si les sommets mélodiques atteints sur "The Ritual" lui ont été bénéfiques, il va surtout se montrer plus frontal et grogner avec satisfaction sur plusieurs morceaux, sans avoir à rougir de la comparaison avec certains vocalistes du Death.

Fondamentalement, TESTAMENT ne change pas. On reconnaît tout de suite le groupe, ici littéralement dopé par cette fameuse production mentionnée plus tôt, juste irrésistible. Les riffs sont du Peterson à 100%, boostés par l’approche plus agressive de Murphy. Derrière, rythmiquement, c’est du lourd. Tempesta est tout simplement monstrueux. Ses breaks sont assassins (rien que pour ça, il supplante complètement ce pauvre Clemente) et il également apporter un groove intéressant à l’ensemble, le faisant sonner plus moderne, voire opportuniste.

Parce qu’en 1994, il faut bien l’admettre, le Thrash n’a plus trop la cote, supplanté par le Groove Metal de PANTERA. Mais le discours de TESTAMENT reste tout de même fidèle à ses origines, il demeure résolument Thrash dans l’esprit. Plus brutal, certes, moins « guilleret » également, "Low" est un matraquage en règle qui commence froidement avec le morceau titre. Fini les introductions qui pouvaient faire cache-misère, ici, les musiciens nous attendent avec les barres à mine pour nous molester sans le moindre remord. Tiens, prends-toi un "Dog Faced Gods" dans la mouille ! Allez, fais-toi piétiner par un "Hail Mary" qui ne laisse que peu de doutes quant au poids de la Mary en question. Interroge-toi devant cet instrumental étrange qu’est "Urostukidoji", à la fois bonnard et intrigant. Toi aussi, verse ta petite larme sur la très belle power ballad "Trail Of Tears" où tu retrouves le chant le plus mélodieux de Chuck Billy. Profite, cela va devenir de plus en plus rare.

Allez, s’il fallait trouver un défaut majeur à cet album, c’est son côté peut-être trop homogène par moment, où une tuerie succède à une autre tuerie sans sourciller. Ça peut être lassant, j’en conviens (et pour passer pour un blasé du Metal, c’est une des critiques parmi les plus constructives…). Il y a aussi ce "Last Call" qui ne sert à rien. Ou à pas grand-chose, là encore, j’en connais qui apprécient parce que c’est un dernier moment de paix pour terminer l’album sur une note moins bruyante. Mais, grosso modo, il ne serait pas si fou d’avancer que "Low" est peut-être, à cette époque, tout simplement le meilleur album sorti par TESTAMENT. Et sans Skolnick, pardonnez cette hérésie !

Bref, quand je repense à ce disque rétrospectivement, je me souviens que je n’en attendais rien, acheté parce qu’il était marqué TESTAMENT dessus et que j’ai quand même un grand faible pour ce groupe… Puis de la gifle. Je ne l’avais pas vu venir, mais elle était cuisante, j’avais l’impression d’être le sale gosse des "Oreilles Rouges" de Reiser. "Low" est un très grand disque de Thrash, certainement pas assez célébré en tant que tel. Monstrueux de bout en bout. Et ça, ce n’est pas rien.

Note réelle : 4,5/5 poussé à 5, pour la nostalgie.