Il parait qu’il existe une infinité de mondes parallèles. Certains ne se distinguent les uns des autres que par de subtils détails et certains sont si différents, si étranges, qu’ils sont hors de portée de notre compréhension.

J’ai dû, à un moment où un autre dans ma vie, basculer dans l’un de ces mondes pour y rester coincé. Ne vous méprenez pas : je vous côtoie sans déplaisir mais je ne suis pas des vôtres. A vrai dire, je ne me sens pas mal à l’aise. Votre monde ressemble en tous points au mien, à une seule différence près. Une différence infime mais fondamentale à mes yeux : chez vous, par je ne sais quelle aberration génétique, psychiatrique ou culturelle, "Theatre of Pain" de MÖTLEY CRÜE est considéré comme un mauvais album.

Incroyable. Là d’où je viens, une telle idée ferait frémir.

Là-bas, personne ne ferait la fine bouche devant "Louder Than Hell", ce superbe brûlot mid-tempo rageur, où Vince Neil rappelle qu’il était – à sa manière – un excellent chanteur. Personne ne dédaignerait "Smokin' In The Boys Room", reprise très affûtée d’un hit mineur des 70s. Après tout c’est cette chanson, bien plus que "Home Sweet Home", qui a permis au groupe de percer dans les charts en septembre 1985. Qu’on se le dise : MÖTLEY CRÜE n’a jamais eu besoin des ballades pour toucher le grand public…

Voilà ce qu’est "Theatre of Pain" : le grand disque Glam Rock d’un groupe qui renoue crânement avec ses sources anglaises (SWEET et surtout SLADE), se déleste de ses vagues aspirations Heavy (fini le satanisme de pacotille de "Shout At The Devil"), se vautre avec délice dans la frivolité et assume son Hard Rock moqueur et décadent. Mais personne, chez vous, ne semble s'en apercevoir.

La seconde partie de l'album incarne pourtant l’essence même de MÖTLEY CRÜE, le moment où le groupe atteint l’apogée de sa personnalité sulfureuse, racoleuse et extravagante. Inspiration jubilatoire, riffs titanesques, outrances mélodiques… Une série de hits portés par une batterie phénoménale qui impose un groove d’acier : de l’envoûtante "Tonight (We Need A Lover)" au pilonnage final "Fight for Your Rights" il n’y a ici aucune mauvaise chanson.

Aucune.

Je veux rentrer chez moi.