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BLACK SYMPHONIQUE  |  STUDIO

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CRADLE OF FILTH - Nymphetamine (2004)
Par JULIEN le 27 Septembre 2004          Consultée 26917 fois

A quoi reconnaît-on les grands ? En voilà une question qui ferait péter la cervelle de mémé Ginette la gothique en basket... J’aurais une réponse à apporter : Les grands se reconnaissent pour moi à cette faculté unique de remise en question clairvoyante associée à un panache qui leur permet de conserver intacte la spécificité de leur style, sans dénaturer quoi que ce soit d’un certain état d’esprit. Une habileté précieuse en réalité, et dont sait se vêtir toute formation supérieure confrontée à l’inéluctable d’un choix douloureux à opérer, car noyé d’une incertitude angoissante. Un cas d’urgence auquel se heurta CRADLE OF FILTH.

Il était bien difficile en effet d’imaginer ce que nos six vampires anglais pourraient bien nous tisser désormais, depuis les tréfonds obscures de l’Angleterre où ils aiment à se lover. « Damnation And A Day » était un monumental pavé enveloppé dans sa livrée conceptuelle, somptueusement mise en valeur par l’ouvrage gargantuesque d’un groupe s’élançant à l’assaut de son Black symphonique mélodique avec les ailes téméraires d’Icare : des orchestrations imposantes du Budapest Film Orchestra jusqu’aux élaborations alambiquées d’un scénario en quatre actes illustrant une histoire ambitieuse, CRADLE OF FILTH se jetait, bien involontairement, dans un fameux piège : Comment rebondir après tel ouvrage ? Tenter d’aller encore plus loin, dans une démarche exponentielle à la RHAPSODY, le « monsieur plus » du Metal (sans les moustaches et avec plein de poils tout fous sur le « Mighty » crâne) ? Ou changer totalement de style comme les compatriotes de PARADISE LOST avec leur « One Second » (un choix que j’approuve personnellement) ? Que non !

En effet, conscient des aspérités tapissant le chemin où il s’engagerait avec intrépidité en tentant de nous mâcher un « Damnation And A Day Part II », pavé indigeste qui n’aurait manqué de bastonner allégrement le plus solide des estomacs vampiresque, CRADLE OF FILTH fit preuve de sagacité. Il se délesta de l’énorme tension due à la confection d’un concept album imposant cadre et impératifs édictés par le scénario... et décida de laisser s’exprimer son cœur avide de sang carmin, sa fibre pulsatile brandissant trois doigts repliés et deux autres dressés. Retour aux sources, à l’excitation primitive du Metal, à une simplicité appréciable dont on abuse avec bonheur dans les meilleures recettes. Des ingrédients sans prétention qui, présentés les uns aux autres, se mélangent harmonieusement pour nous édifier l’architecture pleine d’un repas fameux... « Nymphetamine ».

C’est un fait, ceux qui en sont restés à « Damnation And A Day » et s’apprêtent à lire ce nouveau recueil après avoir chaussé leurs lunettes habituelles... risquent bien de débouler tout de go chez l’ophtalmo : Oubliez les orchestrations tonitruantes, laissez de côté votre soif de riffs massifs et ventrus, n’escomptez pas vous repaître de chœurs grandioses ou de claviers peignant moult ambiances sinistres. Car, sans s’abandonner maladroitement à un penchant passéiste nostalgique, on n’avait pas entendu CRADLE OF FILTH dans un si simple appareil depuis, peut-être... « The Principle Of Evil Made Flesh », son premier album paru il y a tout juste dix ans : Structures simplifiées (encore plus que sur l’album sus-nommé) et ramenées à des formats proches du Metal traditionnel (avec couplets, refrains, et parfois même solos...), claviers toujours présents mais plus discrets, interventions d’un petit orchestre localisées essentiellement au cœur des deux courts instrumentaux du disque ("Painting Flowers White Never Suited My Palette" et "Satyriasis")... On a du mal à croire que CRADLE OF FILTH ait pris un tel risque : celui d’assouplir à ce point sa dimension symphonique pour laquelle il est si réputé, au profit d’une épaisseur Metallique, thrashisante par instant, et sillonnée de nervures plus basiquement mélodiques, parfois gothiques, tracées en majorité par les guitares ! Et pourtant !

Oui, et pourtant ! Quel souci de l’épuration, quelle envie de revenir à la spontanéité s’emparant impérieusement d’une bande de musiciens débarquant en répet’ et balançant qui le riff qui tue ("Filthy Little Secret", "Gilded Cunt", "Mother Of Abominations"...), qui l’ouverture mélancolique au piano (la merveille envoûtante et ultra mélodique "Absinthe With Faust", la superbe power ballade romantique "English Fire" avec sa mélodie à la old SIGH et ses chœurs féminins, l’intro piano/voix féminine de "Swansong For A Raven"), sur lesquels tout le monde enchaînera avec le feeling et l’inspiration comme seuls capitaines tolérés à la barre du vaisseau fantôme des vampires (ça changera des flibustiers des caraïbes). Et très franchement, passé un premier temps de surprise... on se rend compte que ce coup de barre inattendu s’entiche d’un sourire salvateur : Direct et furieusement Metal, « Nymphetamine » va à l’essentiel, ressuscite l’excitation primaire qui barbotait jusqu’ici sous le joug d’un travail de composition étrillé par l’ambition d’albums réclamant l'attention et l'introspection de l'auditeur... et se fraie un chemin au sein de nos entrailles pour mieux stimuler nos petits nerfs. Les effets : On se prend à headbanger comme jamais ("Nymphetamine Overdose" et ses riffs Heavy Black à la DIABOLICAL MASQUERADE, le très cru et monstrueusement carton "Gilded Cunt", un "Filthy Little Secret" diablement 80's), à taper du pied en savourant des riffs brillants et fichtrement bien pensés (l'énorme riff d'ouverture de "Coffin Fodder" appuyé par des chœurs à l'ampleur majesteuse, l'alambiqué "Swansong For A Raven", le riche "Nemesis", un "Medusa And Hemlock" vivifiant et agrémenté de menus chœurs...), on savoure des mélodies et autres passages instrumentaux saisissants, 100 % Metal traditionnel (particulièrement les anglais), et dont on avait eu un bel avant goût sur « Cruelty And The Beast » et « Damnation And A Day » (le solo excitant de "Filthy Little Secret", les riffs imparables à la MAIDEN des géniaux "Coffin Fodder" et "Absinthe With Faust"...), et on se laisse bercer par la beauté simple de claviers qui, parce qu’ils s’emparent du pouvoir avec parcimonie, ne s’en mettent que plus élégamment en valeur, en appuyant les riffs ou en dirigeant la mélodie (les accalmies pianistiques mystérieuses d'un "Gabrielle" cyclothymique, le déroutant "English Fire", le cœur atmosphérique totalement impromptu des neuf minutes du morceau titre, où intervient la voix pure et un tantinet juvénile de Liv Kristine (LEAVE’s EYES, ex-THEATRE OF TRAGEDY) sur fond de chorus encore une fois inspirés par la maîtresse vierge de fer)... Le tout parfaitement habillé d'une production aux petits oignons, puissante et très bien équilibrée, sans tapage ni effets spéciaux vulgairement spectaculaires... Simplicité je vous dis !

Une chose toutefois... CRADLE OF FILTH reste, même partiellement dénudé, du CRADLE OF FILTH : Seuls trois morceaux tombent sous la barre des cinq minutes (je ne compte pas les deux instrumentaux), et cinq des treize titres dépassent les six minutes... sans que cet étalage de la musique ne leur porte préjudice : le talent inestimable du groupe et sa faculté à marier ses plans avec une fine intuition oeuvrent dans le sens bénéfique d’un intérêt sans cesse attisé. Du coup, si les 75 minutes du disque apparaîtront rebutantes à certains, je ne m’ennuie jamais à l’écoute de ce « Nymphetamine », CRADLE OF FILTH profitant d’une longue et précieuse expérience : l'enchaînement des morceaux est un modèle d'intelligence, et favorise ainsi une dynamique d’écoute dont le profit le plus évident réside dans la mise en lumière de la grande et appréciable diversité de l'œuvre en présence.

Après de fort nombreuses écoutes, il est enfin à noter que je trouve de moins en moins de défauts à ce disque excitant. Les débuts furent déstabilisants et me laissèrent parfois en proie à la déception : le groupe avait remplacé son ineffable dimension gothique et symphonique par une inspiration plus orientée Metal traditionnel des 80's, fouettée par une légère insolence Punk et rendue acerbe par les coups de dents d’une vibration Heavy thrashisante directe. Mais je ne tardais guère à rendre les armes ! Tout en maintenant vivace l’impressionnante personnalité du groupe (impossible de ne pas reconnaître nos anglais au détour de nombreux riffs, des vocalises de l'incontournable Sarah Jezebel Deva, ou des sculptures vocales du sieur Dani Filth, d’ailleurs bien plus maîtrisées ici, car moins excessives et systématiquement sur-aiguës), cette refonte du son CRADLE OF FILTH est une vraie cure de jouvence. Et la pensée que le groupe n’aurait pas pu mieux négocier le virage « Damnation And A day » ne cesse, depuis, de faire le siège de mon esprit. « Nymphetamine » est un disque inattendu, un vrai petit chef d’œuvre, plus Heavy Thrash extrême que véritablement Black (seule l'impressionnante bourrasque "Mother Of Abominations", suite furieuse du "Cthulhu Dawn" de "Midian", sonne vraiment Black)... une orientation musicale versatile que le groupe revendique en arguant précisément d'une grande diversité débordant de toutes parts le cadre du Black et ne s'y laissant pas capturer (on sera donc sommé d'éviter de relancer le pénible débat archaïque "CRADLE OF FILTH : Black ou pas Black?")... Bref, cet album est... une énorme, une excellente surprise ! Et je conseille à tout le monde, y compris aux réfractaires, d’y jeter une oreille. Cet disque le mérite amplement... Ce n’est décidément pas aujourd’hui que CRADLE OF FILTH me décevra !

PS : Alors ? CRADLE OF FILTH est-il un « grand », petit schtroumpf bavard ? De fait, la réponse ne mobilise plus aucune forme d’hésitation chez moi, et je pense que le lecteur patient l’aura compris. Il fallait oser à ce point s’émarger d’un regard extérieur aussi intrusif, et n’en faire qu’à sa tête sans penser aux attentes du public. CRADLE OF FILTH l’a fait. Avec intelligence. Et personnalité.

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Par RENAUD STRATO, MEFISTO




 
   JULIEN

 
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   (3 chroniques)



- Dani Filth (chant)
- Paul Allender (guitare)
- James McIlroy (guitare)
- Martin Powell (claviers, arrangements)
- Dave Pybus (basse)
- Adrian Erlandsson (batterie)
- Sarah Jezebel Deva (chant)
- Liv Kristine (chant sur 6,14)


1. Satyriasis (intro)
2. Gilded Cunt
3. Nemesis
4. Gabrielle
5. Absinthe With Faust
6. Nymphetamine (overdose) (feat. Liv Krist
7. Painting Flowers White Never Suited My P
8. Medusa And Hemlock
9. Coffin Fodder
10. English Fire
11. Filthy Little Secret
12. Swansong For A Raven
13. Mother Of Abominations
14. Nymphetamine Fix



             



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