Il aura fallu près de trois ans à Valfar pour offrir au monde un digne successeur au superbe « Arntor », deuxième album gorgé d’un Viking Black Metal unique... Trois ans qui le virent recruter de véritables membres (Valfar avait tout composé sur « Arntor », mobilisant les aptitudes de musiciens de studio pour l’enregistrement), et préparer la sortie de son troisième album... et nouveau chef d’œuvre !

En tout cas, s’il est une chose qui rassure immédiatement l’auditeur, et ce dès les premières secondes de ce « 1184 », c’est la conservation du son unique de WINDIR, cette association heureuse de rythmiques Black enlevées et de chant haineux, tempérés par un travail hors norme sur les guitares, nimbées d’un son aigü flirtant avec la limite de la saturation sans jamais y verser... de quoi ouvrir de petites gerçures, instantanément tamponnées par des claviers atmosphériques et planants, caressant l’échine des compositions pour mieux les magnifier d’une ampleur bleutée délicate (exemple dès le titre d'ouverture, l'impressionnant et très riche "Todeswalzer", armés de cavalcades mélodiques et autres changements de tons captivants). Et si « 1184 » évoque sans tracas « Arntor », on notera quand même un travail harmonique un poil retenu, pas moins riche, mais s'étant délesté d'une pointe d'amplitude, laissant davantage d’espace aux Blasts percutants ainsi qu'à des rythmiques de six cordes à la vigueur accentuée, entamant des marches glorieuses aiguisées par quelque sentiment Black belliqueux ("Dance Of Mortal Lust", "Destroy", "The Spiritlord"...).

Faut-il en déduire que ce « 1184 » oeuvre davantage dans le brutal ? Pas vraiment ! WINDIR reste WINDIR, et le talent unique de Valfar autorise sa musique à se garder de toute brutalité, même dans les moments les plus engagés sur les terrains escarpés du Black... Qu’il s’agisse des claviers uniques et enveloppants du groupe, de l’intervention plaisante d’instruments Folk comme l’accordéon ("1184", "Heidra"...) ou des turgescences fréquentes de choeurs toujours majestueux et bienvenus, WINDIR maintient un allant agressif mais ne laisse jamais la violence souiller sa présentation gracieuse, cousue d’une beauté givrée. Et la surprise se plaît même à glisser quelques mailles dans ces magnifiques vêtements Viking et Folk, lorsque des claviers façon "musique synthétique" glacés et aquatiques se proposent d’embellir (fortement à propos pour ma part) les finales de "Black New Age" et "Journey To The End" (une merveille aux défilés venteux froids et atmosphériques).

Qu’on se le dise, Valfar le fier, juché sur quelque sommet du Valhalla (le maître des lieux a quitté notre monde en 2004), peut regarder cette œuvre avec une satisfation renouvelée. « Arntor » était un chef d’œuvre. « 1184 » l’est également, tout en profitant d’une maturité supplémentaire et d'une production plus nette, ce qui ne gâche rien... Et ce qui en fait le genre d’ouvrages géniaux sur lequel tout amateur blasé de Viking Metal (et de Metal extrême en général) se doit de jeter un œil. A moins, bien sûr, d’apprécier les flagellations commandées par la culpabilité ! Car vous n'aurez plus d'excuses désormais...