"Alive II" est un disque absolument sentimental pour moi. Car je découvre KISS par son biais, à une époque où en Auvergne, à quinze ans, je n'ai entendu que des légendes sur les quatre musiciens maquillés, ainsi qu'un célèbre épisode de Code Quantum. Il y a ainsi dans le fait de poser les oreilles sur la musique des Américains une fascination qui ne tient même pas à la qualité de son catalogue. Et surtout, ce disque je le trouve grâce à mon papa, décédé des années plus tôt, qui possédait l'impressionnant double vinyle dans sa collection.

Peu familier du format, je mets une face au hasard, et là c'est la baffe. "Love Gun" me transporte et reste aujourd'hui mon titre préféré de KISS. Mais surtout il y a cette folie Rock'N'Roll tout à fait saisissante, et cet enchaînement de tubes extraits de la période dorée du groupe. Franchement trouvez-moi un titre à jeter… Hormis les pistes studio globalement dispensables à l'exception du "Rocket Ride" signé Ace Frehley.

Il faut dire que les années 70 étaient complètement dingues et cela se ressent grandement sur la genèse de cet "Alive II" tout aussi critiqué que le premier sorti deux ans plus tôt et qui a installé sérieusement les peinturlurés sur l'échiquier Hard Rock où Alice Cooper régnait alors en maître du Shock Rock. KISS tenait à sortir son Live enregistré au Japon histoire de rejoindre les légendes passées par là depuis quelques années. Seulement, les shows captés au Budokan captés sur la tournée de "Destroyer" n'étaient clairement pas satisfaisants, ni pour le groupe, ni pour Eddie Kramer. Ainsi point de repos pour Gene & cie qui foncèrent en studio pour graver "Love Gun".

KISS tient alors à ne proposer aucun doublon avec "Alive!". Seul problème, sur les trois albums sortis entre 76 et 77, seuls dix-sept morceaux pouvaient potentiellement faire l'affaire… Seulement voilà, certains titres ne marchaient pas forcément très bien sur scène, à commencer par "King Of The Night Time World" abandonné après la tournée de '76. D'autres exemples comme "Hard Luck Woman" sont édifiants, malgré le fait que le single marche bien. Si bien qu'au moment où KISS enregistre ses shows californiens, il ne dispose plus que de quatorze cartouches a priori, ce qui risque de faire juste pour un double Live…

Ainsi alors que le groupe enregistre quelques nouveaux titres, plus une reprise sur laquelle Paul Stanley s'occupe de toutes les guitares, Ace Frehley s'en bat un peu les couilles, si bien qu'il n'enregistre que son propre titre, poussé par le succès de son "Shock Me" qui le fait sérieusement penser à un album solo (chose que 1978 concrétisera). Bob Kulick est engagé pour enregistrer les guitares solo sur les trois autres titres, en imitant au maximum le style d'Ace (le Spaceman est au courant et regarde la TV pendant les sessions). C'est dire à quel point les deadlines sont serrées, car la nécessité de battre le fer tant qu'il est chaud est bien réelle, KISS ayant jusqu'à présent perdu plus d'argent qu'il n'en a gagné.

Ce qui amène au sujet qui fâche : les overdubs. Alors faisons d'emblée une franche distinction entre deux cas de figure ; "Tomorrow And Tonight", "King Of The Night Time World" ont été enregistrées en studio et en conditions live, le public ayant été rajouté par-dessus. C'est aussi le cas de "Hard Luck Woman" dont le single marchait bien, la production pensant donc sa présence sur "Alive II" indispensable. Et à vrai dire, sur ce dernier titre, la supercherie s'entend quelque peu. Voilà comment KISS et son équipe ont réussi à artificiellement proposer une collection de morceaux des trois albums précédents et tenir leur engagement d'éviter les doublons.

Et puis il y a les overdubs classiques. Les batteries de Peter Criss ont le mérite de n'avoir pas été retouchées a posteriori. En revanche, quand on sait à quoi ressemble un show des Américains, il ne faut s'étonner que certains pains de guitare aient dû être nettoyés, de même qu'une partie des vocaux de Paul Stanley, autant occupé à chanter qu'à haranguer la foule sans être toujours derrière son micro. De ce côté, nous parlons de toilettage tout à fait courant, et opéré sur la plupart des disques live de l'époque et d'après.

Hormis sa quatrième face, que je n'écoute objectivement jamais, "Alive II" reste une expérience Rock'N'Roll éminemment plaisante, portée par un groupe branché sur le 220V (écoutez-moi ce "God Of Thunder" dont le tempo a doublé) qui sait restituer son incroyable énergie scénique avec ses titres simples et directs. Un maillon essentiel de la discographie de KISS.