Quand les compositions d'un disque sont inégales, leur répartition au sein de la tracklist est capitale. Tout est question d'équilibre. Et ledit équilibre peut faire passer un bon album pour un excellent disque quand ses points faibles sont noyés dans une savante alternance de grands morceaux et de titres moins marquants. Je n'irai pas jusqu'à dire que "Powerslave" est tout juste un bon album car le cinquième L.P. d'IRON MAIDEN est très bon et certains de ses titres touchent au génie (enfin, surtout le morceau éponyme, j'y reviendrai), mais il n'est pas, à mon sens, le magnum opus de la formation britannique. La faute à ce fichu équilibre, fort malmené, et à ces compos moins folichonnes, au premier rang desquelles "Losfer Words (Big 'Orra)". Sans doute intéressante à jouer, elle l'est bien moins à écouter, manque sévèrement d'accroche et l'erreur énorme commise par le groupe est d'en avoir fait la troisième piste ! Ce morceau fait dérailler la belle mécanique qui s'était mise en place avec l'enchaînement canon "Aces High" - "Two Minutes To Midnight" (qui m'impressionne de moins en moins avec le temps qui passe, ceci dit)...

En plus d'être moins inspiré que les précédents instrumentaux d'IRON MAIDEN - les formidables "Transylvania" et "Genghis Khan" - "Losfer Words (Big 'Orra)" ne joue même pas le rôle de relanceur en début de face B, comme le faisait "Transylvania". Et il n'a pas le bon goût de se situer en avant-dernière position, prélude à une énorme tuerie, comme METALLICA le faisait judicieusement avec ses propres instrumentaux. Non, "Losfer Words" ouvre juste la voie à un "Flash Of The Blade" véloce, au riff puissant et bien balancé, mais qui n'a rien d'un classique. Pas plus que "The Duellists", qui suit. Et pourtant j'aime bien ce titre. En vérité, si j'en apprécie le refrain, ce sont tout particulièrement les duels de guitares entre Dave Murray et Adrian Smith qui valent leur pesant de cacahuètes. Parce que ses premières mesures m'apparaissent bien trop semblables à celles du supérieur "Where Eagles Dare". Ce cinquième L.P. est celui où IRON MAIDEN commence déjà à radoter.

Heureusement, après un "Back In The Village" bien rentre-dedans - un bon petit dynamiteur - la Vierge de Fer redevient grande. D'abord avec "Powerslave", l'un de mes trois titres préférés du groupe. Un morceau d'une grandiloquence toute Dickinsonienne ou le chanteur est au sommet de son art et nous interprète sa compo avec une perfidie rare, ajoutant à l'aspect extrêmement menaçant du pharaon momifié qu'il incarne. Et ce refrain qui monte en puissance jusqu'aux dernières secondes… Exceptionnel ! Un monument absolu du Heavy Metal. Et si j'ai longtemps peiné à saisir la grandeur du très narratif "Rime Of The Ancient Mariner", elle m'explose désormais à la gueule, tant son équilibre à lui est parfait. Steve Harris mue le Heavy mid-tempo en galop MAIDENien classique avant d'emmener le groupe et ses fans en terre (ou plutôt en mer) inconnue. Et ça lui réussit totalement ! Grâce à cette doublette finale fatale, IRON MAIDEN retombe sur ses pattes comme un félin et fait (presque) oublier le manque d'équilibre flagrant de cet album. Quel talent !