K.O.

C'est ainsi que ce deuxième album de MEGADETH laisse n'importe quel auditeur. Il y a clairement de quoi. La rage contenue du grand bagarreur Dave Mustaine, c'est depuis son renvoi de METALLICA deux ans et demi plus tôt qu'il la traduit le mieux, c’est-à-dire en musique. MEGADETH est un groupe dangereux. Ses membres sont des camés notoires, limite SDF, des vrais garçons de la rue, mais avec assez de volonté et de niaque pour envoyer se faire foutre absolument tout le monde.

Capitol a flairé l'affaire, et c'est peut-être, des quatre albums monuments sortis à partir de mars 1986, et qui vont décider des membres du Big 4, celui qui incarne le mieux ce qu'est le Thrash Metal, avec le "Bonded By Blood" d'EXODUS. Si vous voulez comprendre le style, "Peace Sells…" en est la quintessence.

Les vocaux sont vociférés, la batterie claque très fortement (notamment la caisse claire), le médiator de Junior s'écrase violemment sur sa basse, et les guitares de Dave Mustaine et Chris Poland rivalisent de virtuosité et de folie, sans jamais donner l'impression de perdre ce halètement permanent. La musique de MEGADETH est un maelstrom dont les effluves sont frappés du sceau du génie. Si Dave Mustaine était déjà un guitariste largement reconnu dans la Bay Area, il a assemblé une équipe de fous dangereux au moins aussi doués que lui. Gar Samuelson sera, même sous héroïne, difficile à décaler de son siège, et Chris Poland jouera les soli les plus fascinants du genre cette année-là, un compromis parfait entre le jeu mélodique de Kirk Hammett et celui bruitiste et impressionniste de Kerry King.

Inutile de citer à comparaître la moindre piste de "Peace Sells… But Who's Buying?", hormis peut-être cette reprise de HOWLIN' WOLF, même si je ne peux m'empêcher d'y voir une manière de ramener l'importance des thèmes issus du Blues. Et d'une reprise déjà audacieuse (le groupe avait massacré avec une certaine forme de génie le "These Boots Are Made For Walking" de Nancy SINATRA sur son premier album), on se retrouve à mi-course avec un skank beat effréné, transformant définitivement "I Ain't Superstitious" en nouvelle cartouche de l'arsenal de MEGADETH.

Le Thrash c'est la violence de la société, la vitesse, l'héritage d'un croisement Heavy Metal et Punk que la NWOBHM n'a pas poussé assez loin. Ce chaos, présent jusque dans la structuration de compositions éclatées au sol mais toutes géniales ("Good Mourning/Black Friday", "Bad Omen"). Après la scansion phénoménale de METALLICA au printemps, qui le confirme dans une catégorie à part, MEGADETH avec ou sans "The Conjuring", s'installe sur le trône du Thrash Metal. Et n'en déplaise aux amateurs, SLAYER ne pourra prétendre prendre la place, malgré la gifle monumentale de "Reign In Blood".