À moins d’être parfaitement idiot, la seule question qu’on doit se poser est : "…And Justice For All" est-il un album parfait ? Que ce soit le chef d’œuvre de Metallica ne fait absolument aucun doute. Que ce soit en plus l’un des disques majeurs de l’histoire du Metal, voire tout simplement du Rock, ne fait aucun doute non plus. Ne pas reconnaître tout cela, c’est avouer à la face du monde qu'on n'a rien compris à METALLICA ni au Metal et que quelqu’un, sans vous avertir, vous a greffé des pieds à la place des oreilles.

Car "…And Justice For All" est un monument, une vaste cathédrale brutale, sombre et désabusée, qui voit le groupe se transcender pour atteindre son apogée. Chaque composition est une pièce d’orfèvre complexe, longuement développée, ciselée jusqu’à l’épuisement pour trouver un équilibre rare entre des riffs stupéfiants et des mélodies ahurissantes. Plus de vingt ans ont passé depuis l’été 1988, mais réécouter aujourd’hui "Blackened", "Eye Of The Beholder" ou "To Live Is To Die" est toujours une expérience fondamentale, viscérale, qui s’adresse par-delà la raison et la réflexion à quelque chose d’enfoui profondément en chacun de nous. C’est sans doute parce que cet album – dont la production est évidemment excellente – est à la fois incroyablement heavy et captivant.

Un peu de lucidité poussera peut-être à admettre que "One", trop entendue, est devenue un peu lancinante avec le temps. De même, la durée de l’album (après tout, c’est une sorte de Prog) impose une certaine endurance à celui qui veut l’écouter d’une traite. Mais ce terrible mur de guitares, cette quintessence Metal absolue qu’aucun autre groupe de Thrash n’a réussi à égaler, constitue à l’évidence une forme de test. Il y a ceux qui le réussissent, et ceux qui restent sur le côté de la route. Il y a ceux qui comprennent, et ceux qui se contentent des miettes.

En ce sens-là, "…And Justice For All" est certainement un album parfait.