A day in the Beagle’s life…

Ce n’est pas tant l’éviction de Tarja qui est gênante que la manière dont cela a été fait. Bon, petit retour en arrière, "Once" est acclamé, la tournée se veut triomphale et tout et tout, puis chacun part en vacances. Mais avant que Tarja ne prenne l’avion pour retourner en Argentine où elle vivait désormais, le groupe lui remet une lettre. Son contenu ? Tout le monde a pu la lire intégralement en même temps voire légèrement avant la Belle, qui apprenait son éviction en même temps que les fans. Alors oui, saluons l’effort de transparence, il reste que le procédé est quand même assez irrévérencieux dans l’idée et la forme et que mine de rien, expliquer à un journaliste qu’il y a eu séparation pour divergence musicale reste nébuleux, mais plus classe. Après, leur salade interne, je m’en fous, les torts sont certainement partagés, mais aller au clash de façon aussi dramatique, c’est comme si l’imagerie romantique de NIGHTWISH était tellement puissante qu’il fallait agir ainsi. Bref, refermons ici cette parenthèse qui est pourtant nécessaire pour la compréhension de la suite.

J’ai toujours apprécié NIGHTWISH pour la voix de Tarja. Je suis conscient qu’elle puisse énerver, agacer, voire provoquer des cauchemars où l’on est poursuivi par une grosse walkyrie armée d’une grosse hache qui nous hurle que le Walhalla n’attend pas sur des tons wagnériens. J’apprécie sincèrement la plupart de ses albums, m’inclinant bassement devant "Oceanborn" et saluant "Wishmaster" dans son ensemble. Ensuite, je pioche, je picore dans la discographie du groupe, ne trouvant pas tout à fait mon compte que ce soit avec Tarja, Anette Olzon ou Floor Jansen que pourtant j’adore également (un jour, je vous ferai les kro-x de AFTER FOREVER et REVAMP. Qui a dit « pitié non » ?). En fait, je trouve qu’à mesure que le groupe étoffe sa musique avec des orchestres symphoniques, il devient too much, trop clinquant et je regrette l’époque où Tuomas brillait avec ses lignes de clavier.

Ce qui ne m’a pas empêché d’acheter chaque album de NIGHTWISH à leur sortie, comme un bon petit soldat (après la Kiss Army, la NW Army ?). Pour "Dark Passion Play", j’y suis allé avec une certaine appréhension, n’ayant pas cherché à écouter d’extraits avant, que ce soit les singles ou autres, afin d’avoir tout l’effet de surprise. Après une première écoute laborieuse (75 minutes avec autant d’orchestrations, ça fatigue mine de rien. C’est trop long. Merde quoi ! Les albums des années 70 ne dépassaient que rarement les 45 minutes, ce qui est déjà pas mal !), il y a eu un rejet pur, simple et total. À ce moment-là, Anette était devenue l’Erreur de Casting. Tuomas s’est transformé en El Cretino et l’album a été rebaptisé "Dark Bouffon Play". Par égard au chroniqueur du même nom (le Play en moins), T-Ray m’a suggéré "Dark Bidon Play" et il a raison, ne vexons pas les anciens collègues.

Parce que si je trouvais "Once" un brin boursoufflé et pompeux par moments, là on atteignait une espèce de pompon métaphysique. Rien que le premier morceau est une espèce d’épreuve, bien qu’il soit assez impressionnant. Puis surtout, il y a la voix d’Anette qui n’a pas vraiment de personnalité. Elle chante plutôt bien sur album et tout n’est pas de son fait puisque le disque ne semble clairement pas avoir été écrit pour elle, mais elle ne véhicule pas toujours de façon pleine l’émotion que demanderaient certains morceaux et finalement, elle est assez interchangeable avec une autre chanteuse, très classique, un brin Poppy. À dire vrai, elle me fait vaguement songer à Jonsu de INDICA. Et encore une fois, les singles sont assez faibles. "Amaranth" et "Eva" sont clairement en-dessous de bon nombre de compositions de cet album. Le genre de sucreries que Tuomas distribue à la sortie des écoles pour ratisser large. Et bien sûr, il y a l’indélicatesse de "Bye Bye Beautiful" qui en rajoute clairement une couche sur la tronche de Tarja, qui n’en demandait pas tant. El Cretino la Classe, pour vous servir.

Puis j’avoue que je ressortais le disque de temps en temps (là, je l’écoute en boucle par exemple, en même temps que j’écris ces lignes) et que ma foi, il y a des choses bien plaisantes malgré tout sur ce disque, à commencer par la prestation XXL de Marco, toujours bien exploité, parfois même surexploité. Mais bon, "Master Passion Greed", sur-Heavy, mérite que l’on s’intéresse à lui. "Cadence Of Her Last Breath" est également plutôt séduisant, avec cet orchestre qui répond très bien aux riffs plus hachés et malgré un côté Pop assez prononcé (mais l’aspect moins évident que "Amaranth" lui confère une saveur particulière). Le côté Folk de "The Islander" est également très plaisant (Marco, le point fort décidément de NIGHTWISH, le pivot qui l’empêche de sombrer dans la facilité). Et même Anette trouve grâce à mes oreilles sur certains titres… Alors qu’elle a ma complète adhésion sur "Imaginaerum" ! Par exemple, j’apprécie beaucoup son interprétation sur "Meadows Of Heaven", même si le titre en lui-même ne me touche pas plus que cela.

Mais rien à faire, je continue à le trouver trop long, je finis par me perdre un peu, tous les morceaux n’ayant pas de riffs ou de mélodies vraiment mémorables (à contrario de "Wishmaster" ou de "Oceanborn"). À force de se faire de plus en plus orchestral, NIGHTWISH a perdu de son impact et je regrette toutefois des morceaux comme "Wish I Had An Angel", "Planet Hell", "Slaying The Dreamer" ou "Ever Dream" des opus précédents, qui sautaient directement aux oreilles et qui se retenaient bien. NIGHTWISH devient de plus en plus cinématographique et cela, quelque part, je le regrette, le rendu est plus plat, plus égal, moins enlevé et disputé. "Dark Passion Play" est donc pour moi un album bien inégal, mais il est loin d’être une bouse infâme également. Ce n’est pas ce que j’attends forcément du groupe, qui m’impressionnait plus à l’époque des moyens plus modestes.

NIGHTWISH continue à grossir, encore et encore. Mais nous ne sommes pas loin de l’obésité morbide et la frontière entre le Metal et la Guimauve n’est vraiment plus loin. On peut comparer le groupe à un énorme bonbon, joli emballé, qui fait baver, alors que l’on sait très bien qu’il nous collera au mieux de solides mots d’estomac, au pire une rage de dents carabinée. "Dark Passion Play" est cependant un disque-charnière, qui marque un véritable bouleversement dans l’ordre des choses concernant le groupe, qui va de plus en plus délaisser ses vieux morceaux sur scène, histoire de bien tourner la page et arrêter de vivre sur son passé. Pour les fans qui l’aiment, ce passé, tant pis. Pour ceux qui n’ont jamais pu blairer Tarja, tant mieux. J’avoue ne plus trop y trouver mon compte…