Ce n'est plus un orgue, c'est une église entière !

SKEPTICISM, qu'on croyait façonné dans le marbre inaliénable vient de se mouvoir. Inerte depuis sa naissance, l'univers funéraire vit son big bang, ses planètes opaques opèrent leur première révolution. Une révolution d'une lenteur digne des Grands Anciens, une révolution d'exception après quinze années d'une léthargie qu'on croyait infinie.

Les doigts crispés enfoncent les touches d'un clavier d'un autre âge comme pour le marquer jusqu'au sang. Un hurlement digital.
L'estomac de Matti bout jusqu'à l'explosion animale.

Le vide cosmique n'est plus, les astres rougeoient sous un froid intense. Le sidéral devient bestial, le début du monde.

SKEPTICISM vient de prendre vie.

Et SKEPTICISM se heurte dès sa première sortie au monstre funéraire de 2008, à cet ESOTERIC qui rejoindrait presque son aîné en prenant la direction inverse, en prenant le parti de l'accalmie. Combat des chefs, le clash !

Sûr de ses capacités, le Finlandais appuie sur ses caractéristiques. Tellement fort qu'il en surprend son auditoire. Oui, cet orgue joue fort, très fort et SKEPTICISM nous envoie un message : SKEPTICISM maîtrise la pesanteur.

Mais est-ce vraiment la meilleure des stratégies ? "Stormcrowfleet", "Lead And Aether", "Farmakon", trois monuments répondant aux mêmes règles. Des disques lourds bien sûr. Mais aussi des disques du paradoxe, éthérés, climatiques, un souffle spatial, la profondeur d'une grotte inhabitée. Et en voulant écraser de toute sa majesté la concurrence, l'artiste grandiose tend à tourner la tête à son propre caractère. Et "Alloy" ne peint plus le même paysage unique, il s'engouffre comme tant d'autres dans l'excès, excès porté par ce clavier autrefois symbole d'un état d'esprit différent, aujourd'hui vulgaire et envahissant. Hier, il soulignait, aujourd'hui, il dessine seul des pans entiers du décor parfois de façon bien curieuse, comme sur les premières secondes d'"Antimony", cathédrale gothique trop humaine pour une entité baignant dans l'éternelle inanition.
Mais trêve de focalisation déraisonnable, "Alloy" n'est pas que touches nacrées et architecture tubulaire. Il y a cette voix, elle aussi très présente, proche du micro, presque bestiale, deuxième signe d'un changement radical. Elle joue aussi de facilité comme sur cette récitation inutile de "March October". Et les guitares ? D'une inspiration imparfaite, parfois noyées par les vibrations de la soufflerie métallique. Retour à l'envoyeur et seule la batterie semble conserver son statut passé très porté sur les cymbales.

La tactique nous prend à revers. Alors que de l'autre côté du ring, l'Américain, plus que jamais sûr de ses atouts, a cessé de jouer les gros bras, SKEPTICISM paraît chercher une seconde respiration dans cette débauche d'énergie qui ne lui convient qu'à moitié. Les évolutions sont-elles toujours heureuses ?

Méfions-nous tout de même, cet album pourrait nous avoir à l'usure. Et si des deux épouvantails du funéraire, le second paraît aujourd'hui sur le point de voler la couronne du premier, un règne aussi long laisse des traces et nul doute qu'"Alloy" décèle des trésors encore inavoués. Seul le temps saura nous annoncer avec certitude l'identité du vainqueur.