Je me souviens exactement de la première écoute de ce disque acheté au Virgin des Champs Élysées peu de temps après sa sortie. J’étais en compagnie de mon fidèle ami Sam et nous terminions laborieusement notre année de seconde. Animés et piqués au cœur par la diablerie du Metal, nous confortions nos galons dans nos styles de prédilection : lui le Death/Trash Mélodique racé et furieux, moi davantage le Black Metal Atmosphérique. Arrivés chez lui comme à l’accoutumée, nous montions au dernier étage de sa maison, le sac rempli de nos dernières emplettes durement payées. Il créchait sous une mansarde un brin poussiéreuse jonchée de skeuds, de tabac et d’où nous pouvions nous tenir qu’à genoux. Roulant nos clopes, sa chaîne Hi-Fi allait cracher sur moi une première déception. La bourrasque de "Mourning Palace", le premier titre de l’opus, avait pourtant emporté quelque peu mon âme mais les agissements d’un clavier virevoltant dans les aigus me taquinaient salement. Tant et si bien que j’ai boudé quelques bonnes années d’autres réécoutes plus sérieuses.

Maintenant que l’eau a coulé sous les ponts et que l’intranquillité ne me guette plus, je peux dire que cet album n’a rien d’agaçant. Les Norvégiens, et à leur tête Shagrath, suivent la parallèle d’une droite que CRADLE OF FILTH avait précédemment tracée avec la sortie de "Dusk… And Her Embrace" : volonté féroce de tordre le cou à la scène, fierté assumée d’emmener le Black Metal vers un horizon plus « commercialisable », sentiment appuyé de créer ses propres règles du jeu. Galbé par Nuclear Blast et sortant toutes lumières allumées des studios Abyss, l’enregistrement de l’opus par Peter Tägtgren a de quoi en imposer. Gros son, riffs travaillés et à la technicité sans faille, le Black Metal Symphonique des DIMMU BORGIR se teinte d’éléments Heavy bien novateurs qui laisseront j’imagine encore pantois toute une armée de Trve Black Metalleux. J’ai beau à l’époque avoir crié aux loups avec ceux-là, je dois bien concéder que je me suis trompé quelque peu.

Pourtant tous les titres ne se valent pas, mais chacun d’entre eux s’agite aussi différemment. Derrière les inusables "In Death’s Embrace", "Mourning Palace", "Entrance", se cachent le voluptueux et envoûtant "The Night Masquerade", le trépidant et impeccablement blasté "Relinquishment Of Spirit And Flesh", ou bien encore la balade vampirique "A Succubus In Rapture". Le féconde bonus track, présente sur l’édition limitée "Raabjørn Speiler Draugheimens Skodde" qui clôture l’album, est une pièce qui ramène au premier DIMMU BORGIR, "For All Tid". Sa diction norvégienne nous rappelle que le groupe aura abandonné définitivement les lyrics en norvégien afin de peut-être envoyer plus facilement à l’international son message maléfique et brûlant. D’autres tracks ont moins d’intérêt, et malgré les écoutes et les années, ne m’emballent toujours pas.

A l’instar de CRADLE OF FILTH qui avait réussi à se désengager de Cacophonous Records après leur EP légendaire "V Empire, Or Dark Faerytales In Phallustein", c’est au tour de DIMMU BORGIR de quitter ce label après un "Størmblast" mélancolique et prometteur. Et nos deux têtes de pont n’auront pas à croiser le fer tant leurs différences sont marquées et leurs univers hétérogènes tout autant féconds.