Vous m'auriez demandé de parler de "Painkiller" il y a quelques années, j'aurais claqué le 5/5 probablement. Au moins le 4 c'est certain. Il faut dire que c'est le premier véritable album de JUDAS PRIEST que j'ai écouté en entier, après une première tentative pas entièrement concluante avec "Sin After Sin". Autant dire que mettre ces deux albums espacés de treize ans côte à côte, c'est comparer deux formations très différentes.

Les années quatre-vingt sont pour JUDAS PRIEST triomphantes dans leur première moitié, avec trois albums absolument géniaux, mais plus compliquées dans la seconde. Si les chiffres de vente et la tournée qui ont suivi "Turbo" restaient très honorables, on sentait que la machine s'était grippée, et ce n'est pas "Ram It Down" qui viendra arranger les choses. Aucun de ces deux albums n'est foncièrement nul, et ils ont tout de même dégagé un ou deux classiques, mais la comparaison avec "Painkiller" est cruelle.

Dave Holland n'a que moyennement goûté aux expérimentations sonores qui l'ont écarté de l'enregistrement de "Ram It Down", et la tournée est des plus frustrantes, si bien qu'il claque la porte après le concert de Vancouver, qui referme le Mercenaries for Metal tour. JUDAS PRIEST est un peu perdu c'est le moins qu'on puisse dire. D'autant qu'il sent le vent tourner, et l'arrivée de formations comme PANTERA lui donne une sérieuse indication sur la manière dont le Heavy Metal est en train de muter. Le groupe n'a pas le choix, il se doit de sortir un grand album pour conserver son statut. Un coup de fil à un ami, et Rob Halford ramène par le biais de ses potes de Phoenix le batteur de RACER X : Mr Scott Travis. Si vous ne connaissez pas son travail avec l'autre formation de Paul Gilbert, vous pourrez constater à quel point son niveau est impressionnant pour les Anglais, qui comprennent très vite le parti qu'ils vont pouvoir en tirer, notamment de ses aptitudes pour la double grosse caisse et pour la vitesse.

Après les errements artistiques des dernières années, la paire Tipton/Downing se resserre et affûte ses guitares. Rob Halford décide d'opter pour une démarche plus agressive également, et si ces aigus étaient déjà impériaux, il pousse les potards à onze, non sans y rajouter une dose d'agressivité pas entendue depuis la tournée de "Defenders Of The Faith".

Le résultat : une collection de pièces Heavy Metal tranchantes comme des rasoirs, servies par une production toute aussi acérée signée Chris Tsangarides (qui utilisera pour la petite histoire le sample de la caisse claire que Mad Ohuchi d'ANTHEM avait enregistré pour "Gypsy Ways"), histoire de totalement rafraîchir l'environnement sonore, des refrains mémorables instantanément, alors que demander de plus ? Je dois bien admettre que désormais, écouter "Painkiller" me fatigue, rien que par le fait qu'il déborde de double grosse-caisse quand elle n'est pas toujours nécessaire, et par le fait que Rob Halford braille dessus quasi tout du long (l'intro de "All Guns Blazing" j'ai toujours trouvé ça risible). En cela le redoutable "Painkiller" avec son plan de batterie iconique est à l'image de l'album… Car le schéma se reproduit quasi à l'identique sur chacun des titres, à l'exception des plus aérés "A Touch Of Evil" (sans doute mon préféré de l'album) et "Living Bad Dreams", qui fait du bien après l'indigent "One Shot At Glory" et surtout "Nightcrawler", rare morceau speed où Rob contrôle ses vocaux.

On ne pourra contester à JUDAS les refrains retrouvés (il est aisé de se les remémorer, même sur les titres plus bateau comme "Leather Rebel" ou "Metal Meltdown"), mais "Painkiller" paie cher son monolithisme sur la longueur. "A Touch Of Evil", "Nightcrawler" et "Between The Hammer And The Anvil" permettent de digérer un peu tout ça, mais même les couplets parfaits de "Hell Patrol" sont embourbés dans ce Heavy Metal extrémiste. Un album de renaissance et de crédibilité retrouvée pour JUDAS PRIEST, même si la direction plus bourrine qui semble devoir être la sienne pour la nouvelle décennie n'est pas sûre de me convaincre.

Note réelle : 3,5/5.